ReArm Europe : Comment l'UE réorganise sa défense avec 800 milliards d'euros (Plan/Readiness 2030)
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Publié le : 1er août 2025 / Mis à jour le : 1er août 2025 – Auteur : Konrad Wolfenstein
ReArm Europe : Comment l'UE réorganise sa défense avec 800 milliards d'euros – Image : Xpert.Digital
Un tournant à Bruxelles : tous les faits sur l'accumulation historique d'armes en Europe
Les milliards de défense de Von der Leyen : qui décide et qui paie au final ?
La politique de sécurité européenne se trouve à un tournant historique. La guerre en Ukraine a créé une réalité où la question n'est plus de savoir si l'Europe doit renforcer sa défense, mais comment et à quel rythme. Les dividendes de la paix, acquis pendant des décennies, ont été épuisés, et les appels à une autonomie stratégique et à une capacité de défense solide et crédible sont plus forts que jamais.
Face à cette nouvelle urgence, la Commission européenne a présenté le « Plan ReArm Europe/Readiness 2030 » – une initiative ambitieuse et de grande envergure visant à mobiliser pas moins de 800 milliards d'euros d'investissements supplémentaires dans la défense d'ici la fin de la décennie. Mais comment cette somme colossale sera-t-elle réunie et quelles sont les conséquences politiques, économiques et juridiques de ce changement de paradigme ? Ce plan repose sur cinq piliers : un nouvel instrument de prêt financé par la dette commune (SAFE), un assouplissement sans précédent des règles budgétaires de l'UE sur les dépenses nationales, une réaffectation flexible des financements régionaux, un rôle accru de la Banque européenne d'investissement et une mobilisation massive de capitaux privés.
Cette offensive, cependant, n'est pas sans controverse. Elle suscite un profond débat sur l'avenir de l'Union : comment concilier le nécessaire renforcement des capacités de défense avec la stabilité économique à long terme et les règles d'endettement ? L'augmentation des fonds conduira-t-elle automatiquement à une défense européenne plus efficace et intégrée, ou accentuera-t-elle la fragmentation nationale ? Et quel rôle joue le contrôle démocratique du Parlement européen lorsque des mesures décisives sont décidées via des clauses d'urgence ? Au-delà du plan officiel, d'autres idées, parfois radicales, circulent, comme la création d'une « banque d'armement » distincte, alimentant encore le débat.
Le questionnaire complet qui suit décompose ce sujet complexe en éléments compréhensibles. Il examine en détail les différents piliers du plan ReArm Europe, analyse les mécanismes juridiques et financiers sous-jacents, résume les avis critiques des experts et contextualise les positions des institutions européennes. Il s'agit d'un guide pour comprendre l'une des décisions politiques les plus cruciales auxquelles l'Europe ait été confrontée depuis des décennies – une décision qui façonnera considérablement l'avenir stratégique, économique et politique du continent.
Pourquoi le financement de l’industrie de défense de l’UE devient-il soudainement une question si centrale ?
Le financement de l'industrie de défense de l'Union européenne est devenu de plus en plus central ces dernières années, mais le tournant décisif a sans aucun doute été l'invasion non provoquée de l'Ukraine par la Russie en 2022. Cet événement a fondamentalement transformé le paysage sécuritaire européen et a insufflé aux débats sur la défense une urgence et un dynamisme nouveaux. Les discussions antérieures, souvent limitées aux concepts théoriques d'autonomie stratégique, ont été remplacées par la dure réalité d'une guerre aux frontières de l'UE. La nécessité non seulement de renforcer ses propres capacités de défense, mais aussi de fournir un soutien matériel et financier à l'Ukraine, a contraint les États membres et les institutions de l'UE à agir rapidement. Des documents tels que la Boussole stratégique 2022, qui définit les mesures de sécurité et de défense de l'UE jusqu'en 2030, et la Déclaration de Versailles des dirigeants de l'UE de la même année reflètent ce changement de paradigme. La prise de conscience que la paix et la stabilité en Europe ne peuvent plus être tenues pour acquises a fait du financement de la défense une question de niche, devenue l'une des principales priorités de l'agenda politique.
Était-ce la première fois que l’UE fournissait des fonds pour la défense ?
Non, l'utilisation des fonds de l'UE à des fins de défense n'est pas un phénomène totalement nouveau, mais la portée et la nature du financement ont radicalement changé. Les bases ont été posées par le Fonds européen de la défense (FED), créé dans le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 et s'appuyant sur des projets pilotes et des actions préparatoires antérieurs. La base juridique du FED était l'article 173 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui confère à l'UE des compétences en matière de compétitivité industrielle. Cette approche a habilement contourné l'interdiction de financer des opérations ayant des implications militaires ou de défense sur le budget de l'UE (article 41, paragraphe 2, du TFUE) en se concentrant sur le renforcement de la base industrielle et technologique du secteur de la défense. Des instruments plus spécifiques, tels que la loi sur le soutien à la production de munitions (ASAP) et la loi sur l'industrie européenne de défense par le biais de marchés publics conjoints (EDIRPA), ont ensuite été adoptés sur cette base. Ces premières mesures étaient modestes au regard des sommes et des mécanismes discutés aujourd'hui. Ils ont néanmoins ouvert la voie et établi des précédents juridiques pour le programme bien plus ambitieux d’aujourd’hui.
Quel est le contexte politique plus large des initiatives de défense actuelles ?
Les initiatives actuelles s'inscrivent dans une réorientation plus large de l'UE. La Commission européenne, présidée par Ursula von der Leyen, a défini la sécurité et la défense comme une priorité essentielle pour la législature 2024-2029. Dans ses orientations politiques, Mme von der Leyen a réaffirmé son engagement à œuvrer pour une « Union européenne de la défense ». Cette vision va au-delà des simples mécanismes de financement et vise à approfondir l'intégration et la coordination des politiques de défense des États membres. La publication du plan ReArm Europe en mars 2025 et les travaux préparatoires du premier Livre blanc sur la défense européenne illustrent concrètement cette stratégie. Ce Livre blanc identifie le financement – au même titre que l'industrie et les capacités – comme l'un des piliers essentiels de la future défense de l'UE. Les propositions reflètent également les recommandations des rapports influents d'Enrico Letta sur le Marché unique et de Mario Draghi sur la compétitivité, qui soulignent tous deux la nécessité de réduire les obstacles bureaucratiques et de mutualiser les capacités européennes pour être compétitifs à l'échelle mondiale. Il s'agit donc d'une tentative concertée d'intégrer les atouts économiques, industriels et sécuritaires de l'UE.
Le plan ReArm Europe/Readiness 2030 : une analyse détaillée
Qu’est-ce que le Plan ReArm Europe/Readiness 2030 exactement ?
Le Plan ReArm Europe/Préparation 2030 est une proposition stratégique de la Commission européenne présentée par la présidente Ursula von der Leyen le 4 mars 2025. Son objectif principal est de mobiliser plus de 800 milliards d'euros d'investissements supplémentaires dans la défense d'ici 2030. Ce plan répond directement à l'évolution de la situation sécuritaire en Europe et vise à permettre aux États membres d'accroître significativement leurs dépenses de défense, de renforcer l'industrie européenne de la défense et de promouvoir l'autonomie stratégique de l'UE. Plutôt qu'un simple texte législatif, il s'agit d'un ensemble de mesures reposant sur cinq piliers clés et exploitant divers leviers financiers et réglementaires pour atteindre cet objectif ambitieux. Suite aux inquiétudes de certains États membres, notamment l'Italie et l'Espagne, le nom initial de « Plan ReArm Europe » a été élargi à « Plan ReArm Europe/Préparation 2030 » afin de mettre davantage l'accent sur la préparation plutôt que sur l'armement pur.
Quels sont les cinq piliers qui constituent la base du plan ?
Le plan s'articule autour de cinq piliers clés qui fonctionnent ensemble pour mobiliser les ressources nécessaires et atteindre les objectifs stratégiques :
- Un nouvel instrument financier appelé Action de sécurité pour l’Europe (SAFE), qui fournira jusqu’à 150 milliards d’euros de prêts pour l’approvisionnement conjoint en matière de défense par le biais d’émissions de dette conjointes.
- Renforcer le financement de la défense nationale en activant la clause dérogatoire nationale du Pacte de stabilité et de croissance, qui accorde aux États membres davantage de marge de manœuvre budgétaire pour les dépenses de défense.
- Une utilisation plus flexible des instruments européens existants, en particulier du Fonds de cohésion, pour réaffecter les ressources aux projets liés à la défense.
- Un rôle élargi et des contributions accrues de la Banque européenne d’investissement (BEI) pour financer des projets de sécurité et de défense.
- Mobiliser des capitaux privés grâce au développement de l’Union d’épargne et d’investissement afin de créer une base de financement durable pour l’ensemble du secteur de la défense.
Comment le plan a-t-il été accueilli au plus haut niveau politique ?
Lors des réunions extraordinaires du Conseil européen de mars 2025, le plan a reçu l'approbation générale des chefs d'État et de gouvernement de l'UE. Ils ont reconnu le défi existentiel posé par la guerre en Ukraine et ont salué l'intention de la Commission d'activer la clause dérogatoire du Pacte de stabilité et de croissance afin de faciliter les dépenses nationales. Ils ont pris note de la proposition relative à l'instrument de prêt SAFE de 150 milliards d'euros et ont appelé le Conseil à l'examiner rapidement. Ils ont également soutenu le projet de la BEI d'étendre ses prêts à l'industrie de la défense. Les chefs d'État et de gouvernement ont souligné l'urgence d'accélérer toutes les initiatives visant à renforcer les capacités de défense européennes et ont réaffirmé qu'une UE plus forte contribuerait positivement à la sécurité transatlantique et compléterait l'OTAN, qui demeure la pierre angulaire de la défense collective pour la plupart des membres de l'UE. Dans le même temps, ils ont appelé la Commission à explorer d'autres options pour de nouvelles sources de financement à l'échelle de l'UE et à promouvoir la mobilisation de fonds privés.
Quelles sont les premières réactions des experts face à ce projet ?
Les réactions des experts ont été mitigées et peuvent être résumées comme « positives mais prudentes ». Par exemple, Paul Dermine, professeur de droit de l'Union européenne, considère le plan comme un signal politique important et un premier pas vers le renforcement du rôle de la Commission dans la politique de défense. Il prévient toutefois que le plan reste largement basé sur les dépenses nationales et ne résout donc pas les problèmes fondamentaux de fragmentation du marché et de manque d'interopérabilité. Il affirme que les 800 milliards d'euros prévus pourraient ne pas être pleinement réalisés et que des instruments plus ambitieux, tels que les emprunts conjoints sur le modèle de Next Generation EU (NGEU) ou via le Mécanisme européen de stabilité (MES), n'ont pas été mis en œuvre. D'autres experts, comme Fenella McGerty de l'IISS, soulignent les risques économiques. Tout en reconnaissant la nécessité d'augmenter les dépenses, ils avertissent que l'assouplissement des règles budgétaires et la création de fonds extrabudgétaires pourraient compromettre la viabilité à long terme de la dette des États membres, notamment compte tenu des pressions financières actuelles liées à l'évolution démographique et au changement climatique. En résumé, le signal politique doit désormais être suivi de mesures concrètes et réfléchies pour avoir un impact.
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Convient à:
Le plan ReArm Europe : de nouveaux instruments financiers pour la défense de l'Europe
Le plan ReArm Europe : de nouveaux instruments financiers pour la défense européenne – Image : Xpert.Digital
Pilier 1 : L'instrument de prêt SAFE
Qu’est-ce que la « Mesure de sécurité pour l’Europe » (SAFE) exactement ?
SAFE est un nouvel instrument financier proposé, conçu comme un élément central du plan ReArm Europe. Il prévoit que la Commission européenne, au nom de l'UE, lève jusqu'à 150 milliards d'euros sur les marchés des capitaux. Ces fonds seront ensuite rétrocédés aux États membres sous forme de prêts à long terme. L'objectif spécifique de ces prêts est de financer des investissements publics urgents et à grande échelle dans la Base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE). Plus précisément, les fonds permettront l'acquisition conjointe d'équipements de défense critiques tels que des munitions, des missiles, des systèmes d'artillerie, ainsi que des capacités dans les domaines de l'espace, de l'intelligence artificielle et de la cyberdéfense. Cet instrument est conçu pour une période de cinq ans (2025-2030) et fournira ainsi un financement d'amorçage à court et moyen terme.
Sur quelle base juridique SAFE devrait-il être établi et quelles conséquences procédurales cela aura-t-il ?
La Commission propose d'établir le SAFE sur la base de l'article 122 du TFUE. Cet article est un instrument d'urgence permettant au Conseil, sur proposition de la Commission, d'adopter des mesures lorsqu'un État membre est en difficulté ou gravement menacé de difficultés en raison d'événements exceptionnels indépendants de sa volonté. La principale conséquence procédurale de cette base juridique est qu'elle exclut le Parlement européen du processus législatif régulier ; la décision est prise uniquement par le Conseil. Cela était déjà le cas lors de la création du fonds de relance NextGenerationEU pendant la pandémie de COVID-19 et a suscité un mécontentement considérable au sein du Parlement. En réponse, une « procédure de contrôle budgétaire » a été convenue, qui confère au Parlement au moins un rôle consultatif dans l'examen des implications budgétaires de telles mesures, mais aucun pouvoir formel de codécision.
Quelles sont les conditions d'utilisation des prêts SAFE ?
L'utilisation des fonds est soumise à des conditions claires afin de garantir la réalisation des objectifs du plan. La condition la plus importante est la passation de marchés publics conjointe. Un projet doit être mené par au moins deux États membres, ou par un État membre conjointement avec l'Ukraine ou un État de l'AELE/EEE. De plus, la proposition inclut une « clause de préférence européenne ». Celle-ci stipule que les entrepreneurs impliqués dans l'approvisionnement et leurs principaux sous-traitants doivent avoir leurs infrastructures et leurs installations de production dans un État membre, un État de l'EEE/AELE ou en Ukraine. Autre condition importante : la valeur des composants provenant de ces pays ne doit pas être inférieure à 65 % du coût total estimé du produit final. Cette condition vise à garantir que les fonds soient principalement utilisés pour renforcer l'industrie de défense européenne et alliée et réduire la dépendance aux chaînes d'approvisionnement non européennes.
Quelles sont les préoccupations spécifiques soulevées par les experts à propos de l’instrument SAFE ?
Daniel Fiott, du CSDS, souligne plusieurs points critiques. Premièrement, le passage du financement traditionnel de la défense de l'UE, souvent basé sur des subventions (comme dans le cas du FED), à un instrument de prêt pur soulève des questions. Les prêts doivent être remboursés, ce qui pourrait représenter une charge importante pour certains États membres, en particulier ceux dont la dette publique est déjà élevée, et les dissuader de participer. Il existe un risque que les États les plus riches n'aient pas besoin de ces prêts et que les États les plus pauvres ne puissent pas se les permettre, ce qui compromettrait l'impact global de l'instrument. Deuxièmement, les critères de répartition des prêts entre les États membres et la manière dont un juste équilibre sera trouvé entre les besoins spécifiques de chaque pays en matière de défense et le soutien à l'Ukraine restent flous. La principale préoccupation, cependant, est que, s'il n'est pas conçu judicieusement, l'instrument pourrait accroître la fragmentation nationale des marchés publics de défense plutôt que de la réduire, chaque État membre étant tenté de réserver « sa » part du gâteau à son industrie nationale plutôt que de créer une base européenne véritablement intégrée.
Pilier 2 : Assouplissement des règles budgétaires pour les dépenses nationales
Comment les règles budgétaires de l’UE en matière de dépenses de défense devraient-elles être assouplies ?
Le plan propose d'utiliser le cadre de gouvernance économique récemment réformé de l'UE pour donner aux États membres davantage de flexibilité en matière de dépenses de défense. Cela se ferait par une activation coordonnée de la « clause dérogatoire nationale » (CDN). Cette clause est destinée aux circonstances exceptionnelles, propres à chaque pays, indépendantes de la volonté d'un État membre et ayant un impact significatif sur ses finances publiques. Contrairement à la clause dérogatoire générale, qui s'applique à l'ensemble de l'UE ou de la zone euro en cas de grave récession économique, la CDN peut être utilisée de manière plus ciblée. Son activation déclencherait le « mécanisme de compte de contrôle ». Cela signifie que toute dépense de défense supplémentaire d'un État membre ne serait temporairement pas comptabilisée en débit lors de l'évaluation du respect de sa trajectoire de dépenses. Cependant, elle continuerait d'être comptabilisée en écriture afin de préserver la transparence budgétaire et de souligner le caractère temporaire de l'exception.
Existe-t-il des limites supérieures ou des définitions spécifiques pour ces dépenses ?
Oui, la Commission a proposé des lignes directrices dans sa communication afin de prévenir les abus et de garantir la viabilité budgétaire. La flexibilité supplémentaire serait limitée à un montant maximal de 1,5 % du produit intérieur brut (PIB) par pays et par an. De plus, l'application de cette clause serait limitée à une période maximale de quatre ans. La définition des « dépenses de défense » reposerait sur la Classification des fonctions des pouvoirs publics (CFAP), reconnue au niveau international. Cette catégorie est large et comprend non seulement l'achat d'équipements et d'infrastructures militaires, mais aussi les dépenses consacrées aux biens à double usage lorsqu'ils sont utilisés par les forces armées, les frais de personnel, la formation et l'aide militaire à d'autres pays. La Commission estime que ce mécanisme pourrait débloquer des dépenses de défense nationales supplémentaires d'environ 650 milliards d'euros dans l'ensemble de l'UE au cours des quatre prochaines années.
Quels sont les risques et les inconvénients potentiels de cette approche ?
Les experts y voient des risques importants. Fenella McGerty, de l'IISS, prévient que si l'assouplissement des règles d'endettement créera une flexibilité financière à court terme, il pourrait aggraver les problèmes d'endettement à long terme de nombreux États membres. Les finances publiques sont déjà sous pression en raison du vieillissement de la population, de la hausse des coûts de santé et des investissements massifs nécessaires à la transition écologique. Une dette de défense supplémentaire pourrait compromettre la stabilité économique. Un autre risque, souligné par Bertrand De Cordoue, de l'Institut Jacques Delors, est celui des doublons et de l'inefficacité. Si chaque État membre augmente ses dépenses individuellement, sans une coordination européenne forte et des achats conjoints, cela entraînera une fragmentation continue du marché. Au lieu d'un marché européen de la défense intégré avec des systèmes interopérables, on pourrait aboutir à 27 programmes d'armement optimisés au niveau national, mais inefficaces et coûteux. Le succès de ce pilier dépend donc de manière cruciale de la réussite de l'articulation des dépenses nationales avec les objectifs stratégiques européens.
Pilier 3 : Réaffectation des fonds de cohésion
Comment les fonds destinés au développement régional peuvent-ils être utilisés pour la défense ?
L'idée est de permettre aux États membres de réaffecter les fonds non engagés du Fonds européen de développement régional (FEDER) à des projets liés à la défense. Il ne s'agit pas d'une réaffectation automatique, mais d'une option que les États membres peuvent exercer dans le cadre de l'examen à mi-parcours de leurs programmes de la politique de cohésion (conformément à l'article 18 du règlement (UE) 2021/1060). Les industries de défense sont souvent d'importants employeurs régionaux et moteurs d'innovation. Les projets pourraient donc viser à la fois à renforcer les capacités de défense et à promouvoir le développement régional, par exemple par des investissements dans les infrastructures des bases militaires, les centres de recherche et développement, ou la formation des travailleurs de l'industrie de la défense. La Commission a annoncé son intention de proposer des mesures visant à rendre ce processus de réaffectation plus flexible et plus attractif.
La politique de cohésion a-t-elle déjà été utilisée pour répondre à une crise ?
Oui, la politique de cohésion s'est révélée ces dernières années un instrument flexible pour gérer les crises imprévues. Par exemple, après l'invasion russe de l'Ukraine, les initiatives CARE (Action de cohésion pour les réfugiés en Europe) et FAST-CARE ont été lancées. Elles ont permis aux États membres d'utiliser les fonds de cohésion rapidement et sans bureaucratie pour accueillir et prendre en charge les réfugiés et faire face aux conséquences économiques de la guerre. Ces précédents démontrent que la réaffectation des fonds est, en principe, possible si la volonté politique existe.
Y a-t-il des inquiétudes concernant cette réaffectation de fonds ?
Oui, il existe de sérieuses inquiétudes, notamment de la part des représentants régionaux et des défenseurs de la politique de cohésion traditionnelle. Le Comité européen des régions a demandé dans un avis que cette réaffectation soit strictement limitée et axée sur des projets favorisant la cohésion territoriale, économique et sociale. Cela pourrait, par exemple, inclure le soutien aux pôles de défense régionaux existants. La principale préoccupation est que les objectifs initiaux de la politique de cohésion – réduire les disparités économiques entre les régions de l'UE – soient compromis si les fonds sont de plus en plus détournés vers d'autres priorités nationales. Les rapporteurs du Parlement européen pour le prochain CFP ont également souligné la nécessité de doter le budget de l'UE d'une meilleure capacité de réaction aux crises, afin que les fonds de cohésion ne soient pas constamment utilisés comme réserve d'urgence et puissent être utilisés pour leurs véritables objectifs d'investissement à long terme.
Pilier 4 : Le rôle de la Banque européenne d'investissement (BEI)
Quel rôle la BEI a-t-elle joué jusqu’à présent dans le financement de la défense ?
Traditionnellement, le rôle de la BEI, banque centrale de l'UE, dans le financement de la défense était sévèrement limité. Ses statuts et sa politique de prêt excluaient explicitement le financement de biens létaux tels que les armes, les munitions et les infrastructures purement militaires. Cependant, elle était autorisée à financer des investissements dans des biens dits « à double usage », c'est-à-dire – technologies et des services pouvant servir à des fins civiles et militaires. Parmi les exemples figurent les communications par satellite, les technologies de cybersécurité et les matériaux avancés. Suite à l'invasion russe de 2022, la BEI a réagi avec l'« Initiative européenne de sécurité stratégique » (SESI), s'engageant à hauteur de 6 milliards d'euros pour ces projets à double usage, montant porté à 8 milliards d'euros d'ici 2027. Néanmoins, le financement de base des équipements de défense restait tabou.
Quels changements ont été apportés ou proposés à la politique de la BEI ?
Face à l'énorme pression politique exercée par de nombreux États membres, la BEI a considérablement assoupli sa politique. Une étape cruciale a été la suppression, en mai 2024, de la règle selon laquelle les projets à double usage doivent générer plus de 50 % de leurs revenus escomptés à partir d'un usage civil. Cela a ouvert la voie à des projets à vocation militaire plus marquée. En mars 2025, la nouvelle présidente de la BEI, Nadia Calviño, a proposé des changements encore plus profonds. Cela inclut le financement explicite de produits de défense « non létaux » tels que les technologies de contrôle des frontières, les systèmes antibrouillage ou les infrastructures critiques. La proposition la plus importante, cependant, est la création d'une ligne de financement permanente pour la défense qui élèverait ce secteur au même niveau stratégique que les priorités précédentes de durabilité et de cohésion. Le Conseil d'administration de la BEI a depuis approuvé cet élargissement de l'éligibilité, avec pour objectif de « doubler au moins » les investissements dans ce domaine.
Pilier 5 : Mobiliser les capitaux privés
Pourquoi la mobilisation de capitaux privés est-elle si importante pour le plan ?
Les budgets publics des États membres de l'UE sont déjà soumis à de fortes pressions. La mobilisation de capitaux privés est donc essentielle pour combler l'énorme déficit de financement du secteur de la défense. Les investisseurs privés, des sociétés de capital-risque aux grands fonds de pension et aux banques, gèrent des milliers de milliards d'euros. Le plan ReArm Europe vise à canaliser une partie de ces capitaux vers l'industrie européenne de la défense. Cela est particulièrement important pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les start-up du secteur de la défense, qui peinent souvent à accéder au financement, mais qui sont essentielles à l'innovation.
Comment l’Union d’épargne et de placement devrait-elle aider ?
L'Union de l'épargne et de l'investissement est un projet à long terme visant à approfondir et à intégrer les marchés de capitaux européens. Elle comprend l'achèvement de l'Union bancaire et de l'Union des marchés de capitaux. L'objectif est de créer un véritable marché unique des services financiers, où les capitaux pourront circuler plus librement au-delà des frontières. Un tel marché intégré permettrait aux entreprises, notamment celles du secteur de la défense, de lever des capitaux plus facilement et à moindre coût. Il élargirait également les opportunités d'investissement pour les investisseurs. En réduisant les obstacles réglementaires et en facilitant les investissements transfrontaliers, l'Union de l'épargne et de l'investissement vise à mobiliser l'immense épargne privée des Européens et à la canaliser vers des priorités stratégiques telles que la transformation verte et numérique, mais aussi vers l'industrie de la défense.
Quels obstacles se dressent sur la voie du financement privé du secteur de la défense ?
Un obstacle majeur réside dans les critères dits ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), devenus un élément central de la stratégie d'investissement de nombreux investisseurs institutionnels tels que les banques et les fonds de pension. Le secteur de la défense est souvent qualifié de non durable et exclu des investissements. Cette réticence à investir dans les entreprises qui fabriquent des armes constitue un obstacle majeur au financement. Le défi pour les décideurs politiques sera de créer un environnement réglementaire qui réponde à ces préoccupations, éventuellement en adoptant une vision plus nuancée de la « défense » comme contribution à la sécurité nationale et européenne et donc comme bien social, sans compromettre les principes fondamentaux de l'investissement responsable.
Hub pour la sécurité et la défense – conseils et informations
Le hub pour la sécurité et la défense offre des conseils bien fondés et des informations actuelles afin de soutenir efficacement les entreprises et les organisations dans le renforcement de leur rôle dans la politique européenne de sécurité et de défense. De près avec le groupe de travail PME Connect, il promeut en particulier les petites et moyennes entreprises (PME) qui souhaitent étendre davantage leur force et leur compétitivité innovantes dans le domaine de la défense. En tant que point de contact central, le Hub crée un pont décisif entre la PME et la stratégie de défense européenne.
Convient à:
Cela permettrait à l’UE de renforcer ses ressources de défense en dehors du budget
Voici comment l'UE pourrait renforcer ses ressources de défense en dehors du budget – Image : Xpert.Digital
Des idées de financement alternatives au-delà du plan ReArm Europe
Quels modèles de financement alternatifs sont évoqués ?
Outre les piliers du plan ReArm Europe, plusieurs autres idées sont débattues dans les milieux politiques et experts. L'une des plus importantes est la création d'une « banque d'armement » spécialisée ou, sous une forme élargie, d'une « Banque de défense, de sécurité et de résilience » (BDSR). Une autre idée est une augmentation directe du budget de la défense de l'UE dans le prochain cadre financier pluriannuel. Enfin, l'utilisation des prêts non utilisés du Fonds de relance post-coronavirus (FRR) a également été évoquée, bien que cette option soit jugée moins réaliste.
Quelle est l’idée derrière une « banque d’armement » ?
L'idée d'une « banque d'armement », inspirée du modèle de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), vise à créer un instrument de financement agile et spécialisé, hors du cadre restrictif des traités et du budget de l'UE. Une telle banque ne serait pas financée par l'UE dans son ensemble, mais directement par les États participants et garantie par leurs garanties nationales. Cela présenterait plusieurs avantages :
- Cela permettrait de contourner les restrictions légales du traité de l’UE sur les dépenses militaires.
- La participation serait volontaire. Les États membres neutres de l'UE, comme l'Autriche, l'Irlande ou Malte, ne seraient pas tenus de participer et n'auraient aucun droit de veto.
- Elle pourrait également être ouverte à des pays non membres de l’UE comme le Royaume-Uni ou la Norvège, ce qui élargirait la base financière et renforcerait la coopération en matière de sécurité en Europe.
Cette banque pourrait fournir des prêts à faible taux d’intérêt pour l’achat d’équipements militaires et pour des investissements dans l’industrie de la défense, mobilisant ainsi des ressources importantes.
En quoi la Banque de défense, de sécurité et de résilience (BDSR) proposée est-elle différente ?
Le DSRB est un concept encore plus vaste. Il financerait non seulement la défense traditionnelle, mais aussi des investissements dans la résilience sociétale au sens large, par exemple dans les infrastructures critiques, la sécurité énergétique ou la protection contre les cyberattaques et la désinformation. Il offrirait des prêts à faible taux d'intérêt et des modèles de crédit-bail pour les équipements, et couvrirait les risques pour les banques commerciales afin de faciliter le financement, en particulier pour les petites entreprises de défense. Une proposition clé, mais controversée, pour le financement initial est l'utilisation des fonds gelés de la banque centrale russe, ou du moins des revenus qu'ils génèrent. Indépendant de la BEI, il bénéficierait d'une plus grande flexibilité opérationnelle et ne serait pas soumis à ses directives restrictives en matière de prêts.
Une augmentation du budget de l’UE serait-elle une option ?
Oui, et de nombreux membres du Parlement européen soutiennent cette approche, car elle garantirait le plus haut degré de contrôle démocratique. Le commissaire européen à la Défense et à l'Espace, Andrius Kubilius, a proposé d'allouer environ 100 milliards d'euros à la défense dans le prochain cadre financier pluriannuel (CFP), à compter de 2028. Cela représenterait une augmentation massive par rapport au financement actuel. Si le budget de l'UE ne peut financer d'opérations militaires, il peut, comme c'est déjà le cas, soutenir la base industrielle, la recherche et le développement, la mobilité militaire et les projets à double usage. Actuellement, cependant, le budget de l'UE ne dispose d'aucune marge de manœuvre. La rubrique 5, « Sécurité et défense », ne représente qu'environ 1,3 % des dépenses totales. Une augmentation significative nécessiterait d'âpres négociations entre les États membres sur le montant global du budget et la répartition des priorités, mais ce serait la voie la plus transparente et la plus contrôlée par le Parlement.
La position du Parlement européen
Quelle est la position générale du Parlement européen sur ces projets ?
Lors d'un débat en plénière en mars 2025, une large majorité des groupes politiques du Parlement européen ont exprimé leur soutien fondamental au renforcement des capacités de défense européennes. De nombreux députés ont salué les initiatives de la Commission, les qualifiant d'étape importante et nécessaire dans la bonne direction. Ils ont réaffirmé l'engagement de longue date du Parlement en faveur d'une sécurité renforcée de l'UE et ont souligné la nécessité de continuer à soutenir l'Ukraine et d'accroître l'autonomie stratégique de l'UE, notamment au vu de l'agression russe et des incertitudes qui pèsent sur le partenariat transatlantique.
Quelles préoccupations et critiques spécifiques ont été soulevées par le Parlement ?
Malgré leur accord général, les députés européens ont soulevé un certain nombre de préoccupations importantes. L'une des principales critiques concernait la base juridique proposée par la Commission pour l'instrument SAFE, l'article 122 du TFUE. De nombreux députés ont mis en garde contre l'exclusion systématique du Parlement du processus législatif par le recours à des clauses d'urgence. Ils y voient une menace pour le contrôle démocratique et la responsabilité. Un autre point clé concernait les priorités de financement. Plusieurs députés ont fermement averti que l'augmentation des dépenses de défense ne devait pas se faire au détriment des fonds destinés à la transition écologique et sociale ou à la recherche et développement. Ils ont appelé à une stratégie équilibrée qui n'oppose pas la sécurité à d'autres défis futurs.
Quelles sont les exigences du Parlement pour l’avenir ?
Au-delà des critiques, les députés ont formulé des exigences claires. Nombre d'entre eux ont souligné que le plan ReArm Europe, bien qu'il constitue un début, doit s'inscrire dans une stratégie européenne de défense globale et à long terme. Il ne suffit pas de dépenser davantage ; il faut aussi dépenser les fonds « mieux et ensemble ». Cela implique de renforcer les achats conjoints, de réduire la fragmentation et de garantir l'accès aux matières premières essentielles. Les députés ont appelé la Commission à intensifier ses efforts diplomatiques et à élaborer une stratégie européenne fondée sur l'investissement et la solidarité afin de garantir durablement la souveraineté européenne. Le débat a démontré que le Parlement est prêt à soutenir une politique de défense renforcée, mais seulement à condition qu'elle soit menée de manière transparente, démocratiquement légitime et stratégiquement judicieuse.
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