Seigneurs de guerre, or et famine : qui profite réellement de la mort économique du Soudan ?
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Publié le : 3 novembre 2025 / Mis à jour le : 3 novembre 2025 – Auteur : Konrad Wolfenstein

Seigneurs de guerre, or et famine : qui profite réellement du déclin économique du Soudan ? – Image créative : Xpert.Digital
Inflation à 200 %, la moitié de l'économie détruite : la brutale réalité du Soudan derrière les chiffres.
D’un espoir devenu « État failli » : l’histoire tragique de l’effondrement économique du Soudan
L'idée que des entreprises soudanaises puissent chercher à s'étendre sur le marché européen malgré la dévastation actuelle se heurte à une réalité brutale et tragique. Toute discussion sur les stratégies d'entrée sur le marché, les partenariats commerciaux ou la « conquête » du marché allemand est non seulement prématurée, mais témoigne d'une méconnaissance fondamentale de la situation catastrophique d'un pays dont les structures économiques et sociales ont été systématiquement anéanties. Le Soudan n'est pas un marché difficile ; dans les circonstances actuelles, il n'est pratiquement plus un marché du tout.
La guerre civile qui oppose les Forces armées soudanaises (FAS) aux Forces de soutien rapide (FSR), une milice paramilitaire, et qui fait rage depuis avril 2023, a provoqué un effondrement économique total. Les chiffres dressent un tableau apocalyptique : le produit intérieur brut a chuté de 42 %, le taux d’inflation a explosé pour atteindre 200 % et 5,2 millions d’emplois – soit la moitié du total – ont été perdus. Khartoum, la capitale, qui fut jadis le cœur économique du pays, n’est plus que ruines après près de deux ans de combats acharnés.
Mais derrière ces chiffres abstraits se cache une tragédie humanitaire d'envergure mondiale. Avec plus de 30 millions de personnes ayant besoin d'aide et 12,9 millions de déplacés, le Soudan est confronté à la plus grave crise de réfugiés au monde. Une famine généralisée sévit dans une grande partie du pays. L'économie, non seulement affaiblie, s'est transformée en une économie de guerre, où les seigneurs de guerre financent leur machine de guerre en pillant des ressources comme l'or et en étouffant toute initiative entrepreneuriale civile.
Cet article n'est donc pas un guide pour une entrée impossible sur un marché. Il s'agit plutôt d'une analyse sans concession de l'effondrement économique, mettant en lumière les raisons structurelles pour lesquelles le Soudan a de facto cessé d'être un partenaire commercial. Il examine comment un avenir prometteur a été gâché, comment fonctionne l'économie de guerre et pourquoi tout espoir de reprise économique dépend de la fin du conflit et de décennies de reconstruction ardue.
De la réalité à la spéculation : pourquoi la réalité économique soudanaise ne permet pas l'expansion européenne
La question des opportunités d'expansion pour les entreprises soudanaises sur les marchés allemand et européen se heurte à une réalité dérangeante : le Soudan ne dispose actuellement d'aucun secteur privé suffisamment développé pour justifier ou faciliter une expansion internationale. La guerre civile qui fait rage depuis avril 2023 entre les forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide (FSR), une milice paramilitaire, a non seulement dévasté le pays, mais a également anéanti toute infrastructure commerciale existante. La situation économique n'est pas seulement difficile ; elle est catastrophique, à tel point que toute discussion sur les stratégies d'entrée sur le marché européen devient absurde.
Les chiffres sont éloquents : le produit intérieur brut du Soudan a chuté de 56,3 milliards de dollars américains en 2022 à environ 32,4 milliards de dollars américains fin 2025, soit une perte cumulée de 42 % de la production économique totale. Le taux d’inflation a atteint le niveau astronomique de 200 % en 2024, tandis que 5,2 millions d’emplois ont été perdus, soit la moitié de la population active. Il ne s’agit pas d’un simple ralentissement économique, mais d’un effondrement total. Plus de 30 millions de personnes, soit plus de 60 % de la population, ont besoin d’une aide humanitaire, 12,9 millions sont déplacées et au moins 14 régions sont confrontées à une famine aiguë.
Parler d’« industries et d’entreprises soudanaises » capables de « développer leurs activités en Europe » dans ces circonstances est une déformation fondamentalement erronée de la réalité. Il ne reste pratiquement plus aucune entreprise soudanaise opérationnelle capable de survivre. La production industrielle a chuté de 70 % et la création de valeur agricole de 49 %. Même les quelques grandes entreprises qui existaient avant la guerre, comme le groupe DAL, ont cessé leurs activités ou les ont délocalisées. L’infrastructure bancaire s’est effondrée, les routes commerciales sont coupées et la capitale, Khartoum, jadis le cœur économique du pays, n’est plus que ruines.
Cette analyse n’examine donc pas les chances d’une expansion illusoire du Soudan en Europe, mais plutôt les raisons structurelles pour lesquelles le Soudan n’existe pas réellement en tant que partenaire économique dans les conditions actuelles – et les transformations fondamentales qui seraient nécessaires pour pouvoir envisager à nouveau des relations commerciales internationales.
D'un phare d'espoir à une zone de guerre : la destruction économique d'un pays
La tragédie du Soudan réside non seulement dans la catastrophe actuelle, mais aussi dans l'occasion manquée. Pas plus tard qu'en 2019, après la chute du dictateur Omar el-Béchir, l'espoir international commençait à renaître. L'Allemagne organisait une Conférence de partenariat pour le Soudan en juin 2020, au cours de laquelle les partenaires internationaux s'engageaient à verser un total de 1,8 milliard de dollars américains pour soutenir le processus de transformation. En 2021, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale accordaient au Soudan un allègement de sa dette dans le cadre de l'initiative PPTE, réduisant sa dette extérieure de 56,6 milliards de dollars américains à environ 6 milliards. Il semblait alors que le Soudan, après des décennies d'isolement, pourrait devenir un partenaire stable.
Ces espoirs furent anéantis par le coup d'État militaire d'octobre 2021, lorsque le général Abdel Fattah al-Burhan s'empara du pouvoir et renversa le gouvernement civil de transition. L'aide internationale fut gelée et les programmes de développement suspendus. Mais la véritable catastrophe débuta en avril 2023, lorsque la lutte de pouvoir entre l'armée d'al-Burhan et les Forces de soutien rapide, dirigées par le général Mohamed Hamdan Dagalo, dégénéra en guerre civile.
Les conséquences économiques furent dévastatrices et d'une rapidité sans précédent. La production industrielle était traditionnellement concentrée dans la région du Grand Khartoum, précisément là où les combats les plus acharnés firent rage. Les usines furent pillées, les machines détruites ou volées, et les installations de production bombardées. La bataille de Khartoum dura près de deux ans et est considérée comme l'une des plus longues et des plus sanglantes jamais livrées dans une capitale africaine, avec plus de 61 000 morts dans la seule région de la capitale. Ce n'est qu'en mars 2025 que l'armée parvint en grande partie à chasser les RSF de Khartoum, mais la ville n'était alors plus que l'ombre d'elle-même.
L'agriculture, qui avant la guerre contribuait à hauteur d'environ 35 % au PIB et employait 80 % de la population active, a également subi des pertes considérables. La production céréalière en 2024 a chuté de 46 % par rapport à 2023 et de 40 % par rapport à la moyenne quinquennale. De nombreux agriculteurs n'ont pas pu cultiver leurs terres, soit parce qu'ils avaient fui, soit parce que les zones étaient devenues des champs de bataille. Les prix des denrées alimentaires de base ont explosé : le riz, les haricots et le sucre sont devenus inabordables dans certaines régions, tandis que le prix de la viande a plus que doublé.
Le secteur aurifère, qui générait environ 70 % des recettes d'exportation, est de facto criminalisé. Les deux camps belligérants – l'armée et les Forces de soutien rapide (FSR) – se sont emparés des mines d'or et utilisent les revenus pour financer leurs conflits. On estime que 80 à 85 % de l'or soudanais est exporté clandestinement, principalement vers les Émirats arabes unis. Les exportations officielles d'or vers les Émirats arabes unis, qui s'élevaient à 750,8 millions de dollars américains au premier semestre 2025, ne reflètent qu'une fraction du volume réel des échanges. Cette économie de guerre entrave tout développement économique harmonieux et a transformé le Soudan en un État failli où le crime organisé et les structures des seigneurs de guerre ont pris le dessus.
Les relations économiques germano-soudanaises, historiquement développées, étaient déjà marginales avant la guerre. Le volume des échanges bilatéraux en 2021 s'élevait à peine à 128 millions d'euros. Les exportations traditionnelles du Soudan vers l'Allemagne – coton, gomme arabique et sésame – ne représentaient qu'une infime partie du volume des importations allemandes. À l'inverse, le Soudan importait principalement d'Allemagne des machines, des équipements et des produits finis. Depuis le début du conflit, ces échanges, déjà modestes, ont quasiment cessé, les statistiques britanniques montrant que même les échanges commerciaux entre la Grande-Bretagne et le Soudan – bien que faibles – se composent désormais presque exclusivement de biens humanitaires.
L’histoire révèle ainsi une série d’occasions manquées : le Soudan disposait certes d’un potentiel économique considérable après son indépendance en 1956, mais l’a dilapidé pendant des décennies de guerre civile, de mauvaise gestion et de sanctions internationales. La brève période d’espoir entre 2019 et 2021 a été brutalement interrompue par la reprise du pouvoir militaire et la guerre. La situation actuelle représente un point bas historique, dont le redressement – même dans le scénario le plus optimiste – prendra des décennies.
Anatomie d'un effondrement : l'économie de guerre et ses profiteurs
L’effondrement économique du Soudan résulte de mécanismes spécifiques qui dépassent largement le cadre des récessions ordinaires. Il s’agit essentiellement de la transformation d’une économie de marché – certes fragile – en une économie de guerre contrôlée par deux acteurs militaires dont le seul objectif économique est de financer leur machine de guerre.
Les Forces de soutien rapide (FSR), sous le commandement du général Dagalo, ont pris le contrôle des lucratives mines d'or du Darfour et du Kordofan-Nord. Cette milice paramilitaire, issue des tristement célèbres cavaliers Janjawid, contrôle de vastes étendues des régions aurifères de l'ouest. On estime qu'en 2024 seulement, les mines contrôlées par les FSR au Darfour ont extrait pour 860 millions de dollars d'or. La majeure partie de cet or est acheminée clandestinement vers les Émirats arabes unis, qui fournissent en échange armes et munitions – un exemple flagrant de la malédiction des ressources qui alimente les conflits armés.
Les forces armées soudanaises, quant à elles, contrôlent les infrastructures stratégiques, les ports et les entreprises publiques – dans la mesure où elles sont encore opérationnelles. Port-Soudan, sur la mer Rouge, principal port du pays, sert de point de transbordement pour les exportations de pétrole et d'or ainsi que pour les importations d'armes. Aucun des deux camps en conflit n'a intérêt à ce qu'une économie civile fonctionne ; cela ne ferait que compromettre leur contrôle sur les ressources et les sources de revenus.
Pour la population civile restante et les quelques entreprises encore en activité, cette économie de guerre équivaut à une expropriation de fait. Les organisations internationales signalent des pillages systématiques commis par les deux camps, des extorsions, des arrestations arbitraires et la confiscation de biens et de moyens de production. Les petites et moyennes entreprises, qui constituent l'épine dorsale de toute économie fonctionnelle, ne peuvent pas fonctionner dans ces conditions. Le groupe Dal, l'un des plus importants conglomérats privés du Soudan, présent dans l'agroalimentaire et d'autres secteurs, a soit cessé sa production, soit l'a délocalisée vers des zones plus sûres.
Les indicateurs macroéconomiques témoignent de cet effondrement institutionnel. Le taux d'inflation de 200 % en 2024 résulte d'une combinaison de facteurs : création monétaire massive pour financer les guerres, perturbations des importations et effondrement de la livre soudanaise. Le taux de change officiel n'a plus aucune valeur ; des taux bien plus défavorables sont pratiqués au marché noir. De ce fait, tout calcul est impossible pour les entreprises importatrices ou exportatrices. La monnaie n'est plus une réserve de valeur, mais un simple moyen d'échange qui se déprécie rapidement.
Le chômage a atteint des niveaux catastrophiques, avec la perte de 5,2 millions d'emplois, soit environ la moitié de l'emploi formel. La situation est particulièrement critique dans le secteur des services et l'industrie, concentrés à Khartoum et dans ses environs. Nombre de travailleurs ont fui ou ont perdu leur emploi. L'économie informelle, qui représentait déjà plus de la moitié de la production économique avant la guerre, s'est elle aussi largement effondrée, la mobilité étant restreinte et les marchés paralysés.
Le système bancaire, indispensable à toute activité économique moderne, s'est effondré. Les distributeurs automatiques de billets sont hors service, les virements internationaux sont quasiment impossibles et les prêts ne sont plus accordés. Même les transactions commerciales les plus simples doivent être effectuées en espèces, ce qui est difficilement envisageable compte tenu de l'hyperinflation galopante et de l'incertitude ambiante. Les sanctions internationales, notamment l'embargo sur les armes, les interdictions de voyager et le gel des avoirs, compliquent encore davantage les échanges commerciaux transfrontaliers.
La balance commerciale révèle un déséquilibre structurel : au premier semestre 2025, le Soudan a principalement exporté de l'or (750,8 millions de dollars vers les Émirats arabes unis), des animaux vivants (159,1 millions de dollars vers l'Arabie saoudite) et du sésame (52,6 millions de dollars vers l'Égypte). Ses importations étaient essentiellement composées de machines en provenance de Chine (656,5 millions de dollars), de produits alimentaires d'Égypte (470,7 millions de dollars) et de produits chimiques d'Inde (303,6 millions de dollars). Ceci démontre que, même en temps de guerre, le Soudan exporte des matières premières et importe des produits finis – un modèle commercial hérité de l'époque coloniale qui ne favorise ni le développement industriel ni les exportations à forte valeur ajoutée.
Les acteurs de ce système sont clairement identifiés : l’armée et les milices contrôlent des secteurs lucratifs comme l’or et le pétrole ; les réseaux internationaux de contrebande assurent les exportations illégales ; les États voisins – notamment les Émirats arabes unis, l’Égypte et l’Arabie saoudite – profitent de l’achat de matières premières bon marché et de la fourniture d’armes coûteuses. La société civile et les entrepreneurs sont victimes de ce système, et non acteurs. On ne constate aucune émergence d’une classe moyenne entrepreneuriale capable de conquérir les marchés internationaux.
Un paysage de ruines au lieu d'un environnement commercial : le statu quo en novembre 2025
En novembre 2025, la situation économique du Soudan se présente comme une catastrophe humanitaire et économique d'une ampleur historique. Le pays est confronté à la plus grande crise de déplacements de population au monde et à l'une des pires famines de l'histoire récente.
Les principaux indicateurs quantitatifs dressent un tableau sombre : le PIB devrait atteindre 32,4 milliards de dollars américains en 2025, soit 42 % de moins qu’en 2022, avant la guerre. L’inflation oscille entre 118 et 200 %, anéantissant l’épargne et rendant tout calcul de prix impossible. Le revenu par habitant est passé de 1 147 dollars américains (2022) à environ 624 dollars américains (2025). Le Soudan figure ainsi parmi les pays les plus pauvres du monde.
La dimension humanitaire est inimaginable : 30,4 millions de personnes – soit plus de la moitié de la population totale estimée à 50 millions – ont besoin d’aide humanitaire. Il s’agit de la plus grave crise humanitaire au monde. 12,9 millions de personnes sont déplacées, dont 8,9 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et 4 millions de réfugiés dans les pays voisins. L’Égypte a accueilli le plus grand nombre de Soudanais (environ 1,2 million), suivie du Tchad (1 million), du Soudan du Sud (1 million) et d’autres États voisins.
La situation alimentaire est catastrophique : 24,6 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire aiguë et 637 000 personnes – un chiffre record à l’échelle mondiale – sont confrontées à une famine catastrophique. Une famine a été officiellement déclarée dans le camp de Zamzam, au Darfour-Nord, en août 2024 – une première depuis des années. Au moins 14 autres régions sont gravement menacées par la famine. Plus d’un tiers des enfants souffrent de malnutrition aiguë, et dans de nombreuses zones, le taux dépasse le seuil de 20 % qui définit la famine.
Les infrastructures sont détruites dans une grande partie du pays. À Khartoum, la capitale économique et politique, qui abritait autrefois plus de 6 millions d'habitants, des quartiers entiers sont en ruines. Des immeubles d'habitation ont été bombardés, des hôpitaux pillés et des écoles transformées en bases militaires. 31 % des ménages urbains ont été contraints de se reloger. Le réseau routier est endommagé par les combats et les ponts sont détruits ou fermés par l'armée. L'aéroport de Khartoum n'a été repris par l'armée qu'à la fin du mois de mars 2025, mais il n'est pas encore opérationnel.
L'approvisionnement en électricité et en eau est devenu aléatoire dans la plupart des centres urbains. Cette situation perturbe non seulement la vie quotidienne, mais rend également toute production industrielle impossible. Les hôpitaux doivent fonctionner sur des groupes électrogènes de secours, quand ils le peuvent. Le système de santé s'est effondré : de nombreux établissements de santé sont fermés, pillés ou détruits. Les médicaments sont rares. Des épidémies de choléra et de rougeole font rage depuis 2024 ; en avril 2025, près de 60 000 cas de choléra et plus de 1 640 décès avaient été recensés.
L'infrastructure éducative est également en ruines. Écoles et universités sont fermées depuis le début de la guerre ou ont été transformées en abris d'urgence pour les personnes déplacées. Toute une génération d'enfants et de jeunes est privée d'éducation. Cela aura des conséquences à long terme sur le développement du capital humain et entravera toute reprise économique.
Pour les entreprises, ce statu quo signifie l'absence d'un environnement commercial fonctionnel. Il n'y a ni sécurité juridique, ni institutions fiables, ni respect des contrats. Même dans les régions moins touchées par la guerre, comme l'État de la mer Rouge où se situe Port-Soudan, le fonctionnement normal des entreprises est impossible. Bien que la ville portuaire soit sous contrôle militaire et ait accueilli de nombreux réfugiés de Khartoum, elle souffre de surpopulation, d'inflation et d'une insécurité permanente. Même ici, le coût de la vie a explosé : un kilogramme de viande coûte 26 000 livres soudanaises (43 dollars américains), soit environ le double du prix d'avant-guerre.
Les défis les plus urgents peuvent se résumer ainsi : premièrement, assurer la survie immédiate de millions de personnes menacées par la faim, la maladie et la violence ; deuxièmement, mettre fin aux hostilités et instaurer un cessez-le-feu durable, pour lequel rien ne semble se profiler à l’heure actuelle ; troisièmement, rétablir progressivement les fonctions et infrastructures essentielles de l’État ; quatrièmement, opérer une transformation économique à long terme, impliquant un passage d’une économie de guerre et d’une économie dépendante des matières premières à une activité économique diversifiée et productive. Un gouffre sépare la situation actuelle de cet objectif à long terme, un gouffre qu’aucune stratégie marketing, aussi ambitieuse soit-elle, ne saurait combler.
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De la gomme arabique à l'or : pourquoi le Soudan échoue sur le marché européen
L'illusion de l'expansion : pourquoi les entreprises soudanaises ne peuvent pas s'implanter en Europe
Une analyse objective des entreprises et industries soudanaises susceptibles de vouloir étendre leurs activités en Allemagne et en Europe aboutit à une conclusion sans appel : aucune. L’idée que des entreprises soudanaises pourraient utiliser l’Allemagne comme « point de départ pour conquérir les marchés allemand et européen » dans le contexte actuel est totalement infondée. Il n’existe aucune entreprise soudanaise opérationnelle dotée de capacités d’exportation, et aucune ne serait en mesure de satisfaire aux exigences complexes en matière de réglementation, de logistique et de financement pour accéder au marché européen.
Examinons les secteurs les plus intéressants d'un point de vue théorique. La gomme arabique serait traditionnellement un produit d'exportation à fort potentiel. Le Soudan produit environ 70 à 80 % de la gomme arabique mondiale, utilisée dans l'industrie agroalimentaire. Cependant, la production s'est effondrée depuis le début de la guerre et est contrôlée par les factions belligérantes. Les chaînes d'approvisionnement sont perturbées, les contrôles de qualité ont disparu et la transformation, lorsqu'elle a lieu, se fait dans des conditions extrêmement rudimentaires. L'accès au marché alimentaire européen, très réglementé et exigeant des certifications strictes et une traçabilité complète, est tout simplement impossible.
La situation est similaire pour le sésame, dont le Soudan était historiquement l'un des plus grands exportateurs, représentant 40 % de la production africaine. Cependant, les régions productrices de sésame se situent dans des zones de conflit, les récoltes ont chuté de façon drastique et les rares exportations restantes sont destinées à la Chine, au Japon et aux pays voisins, et non à l'Europe. La création de valeur se limite à l'exportation de matières premières ; il n'y a ni transformation, ni stratégie de marque, ni différenciation des produits. Une entreprise soudanaise souhaitant commercialiser des produits à base de sésame en Europe devrait affronter la concurrence de fournisseurs établis d'Inde, du Myanmar et d'Amérique latine – une tâche impossible pour un producteur ravagé par la guerre, dépourvu de capitaux, de technologies et d'accès aux marchés.
Le secteur aurifère est le seul à encore générer des volumes d'exportation significatifs, mais ces exportations sont illégales et financent des guerres. Les négociants en or soudanais qui souhaiteraient exporter vers l'Europe se heurteraient immédiatement à des sanctions internationales et à la réglementation anti-blanchiment. Le Processus de Kimberley et les mécanismes de certification similaires pour les minerais de conflit empêcheraient tout commerce. Même s'il était possible d'exporter de l'or « propre », la concurrence des affineurs d'or établis en Suisse, en Allemagne et au Royaume-Uni serait insurmontable.
L'élevage est un autre secteur traditionnel au potentiel théorique indéniable : le Soudan possède l'un des plus importants cheptels d'Afrique, et les exportations d'animaux vivants constituent une part significative de ses recettes d'exportation, principalement vers les pays arabes. Toutefois, l'exportation d'animaux vivants vers l'Europe est soumise à une réglementation stricte et suscite une controverse croissante en raison des préoccupations liées au bien-être animal et aux questions vétérinaires. Même si les exportateurs soudanais parvenaient à respecter les normes européennes, il s'agirait d'une activité à faible marge, confrontée à d'importants obstacles logistiques. Quant aux produits carnés transformés en provenance du Soudan, qui permettraient des marges plus élevées, leur commercialisation est actuellement impossible, les infrastructures de transformation étant détruites et les normes d'hygiène ne pouvant être respectées.
Les quelques grandes entreprises soudanaises restantes – telles que la Banque de Khartoum, Sudan Telecom et les compagnies pétrolières d'État – opèrent, lorsqu'elles le font, uniquement sur le marché intérieur et peinent à survivre. Ces sociétés manquent de ressources et de vision stratégique pour une expansion internationale. La plupart sont également publiques et soumises à des sanctions internationales ou, à tout le moins, à une vigilance accrue de la part des banques occidentales.
Les petites et moyennes entreprises (PME), qui constituent l'épine dorsale de l'économie et stimulent l'innovation dans les secteurs de l'exportation dans de nombreux pays en développement, n'existent actuellement qu'à l'état rudimentaire au Soudan. Pendant la guerre, des centaines de micro-entreprises ont vu le jour, produisant des biens de première nécessité tels que des produits laitiers, des matériaux d'emballage et des détergents. Cependant, ces entreprises sont tournées vers les marchés locaux, utilisent souvent des technologies rudimentaires, disposent de ressources extrêmement limitées et manquent d'expérience en matière d'exportation ou de commerce international. L'idée qu'un petit producteur soudanais de poteries ou de savon puisse conquérir le marché allemand est absurde.
La comparaison avec les réussites de l'expansion africaine rend l'impossibilité d'un tel scénario encore plus flagrante. Les start-ups technologiques kényanes, les exportateurs de café éthiopiens et les équipementiers automobiles marocains ont bâti leur succès au sein d'États fonctionnels, dotés d'une stabilité politique relative, d'infrastructures adéquates et d'un accès aux capitaux. Le Soudan n'offre rien de tout cela. Même des pays comme le Soudan du Sud ou la Somalie, pourtant eux aussi ravagés par les conflits, bénéficient d'une certaine stabilité dans certains domaines et ont pu maintenir des structures économiques rudimentaires. Le Soudan, quant à lui, est au bord du gouffre.
Les obstacles réglementaires et pratiques rencontrés par les entreprises soudanaises souhaitant accéder au marché européen sont considérables. La réglementation européenne en matière d'importations exige des preuves d'origine, des certificats de qualité, le dédouanement et la conformité aux normes de produits. Les partenaires commerciaux allemands effectueraient des vérifications préalables, posant des questions sur l'immatriculation de l'entreprise, ses états financiers, ses déclarations fiscales et sa réputation. Aucune entreprise soudanaise ne remplit actuellement ces conditions. Même les transferts d'argent s'avéreraient problématiques, le système bancaire soudanais étant dysfonctionnel et les banques internationales refusant les transactions en provenance du Soudan en raison des sanctions et des risques de blanchiment d'argent.
L'idée d'un « partenaire allemand solide et spécialisé en marketing, relations publiques et développement commercial » ne résout pas ces problèmes fondamentaux. Le marketing ne peut vendre un produit inexistant. Les relations publiques ne peuvent transformer un pays ravagé par la guerre en un partenaire commercial attractif. Le développement commercial ne peut créer de relations d'affaires là où il n'y a pas d'activité. Un prestataire de services allemand réputé déconseillerait toute collaboration avec des « partenaires » soudanais, car les risques d'atteinte à la réputation, les incertitudes juridiques et les impossibilités pratiques anéantiraient toute opportunité commerciale.
Analyse comparative : Quand la guerre détruit l'économie
Un examen des autres pays touchés par des conflits armés ou des crises économiques met en lumière le caractère unique et tragique de la situation soudanaise. L'analyse comparative révèle les conditions nécessaires à un redressement économique et explique pourquoi le Soudan ne les remplit pas actuellement.
La Syrie a connu une guerre civile encore plus longue et sanglante, qui dure depuis 2011. Pourtant, même en Syrie, des structures économiques rudimentaires ont subsisté dans les zones contrôlées par le gouvernement. Damas et d'autres villes continuent de fonctionner, quoique de manière limitée. Les exportateurs syriens, principalement issus de la diaspora, maintiennent des relations commerciales, et les produits syriens – huile d'olive, textiles, produits alimentaires – atteignent les marchés internationaux, souvent via des pays tiers. La différence cruciale : la Syrie dispose d'un gouvernement fonctionnel qui contrôle le territoire et d'une diaspora dotée de capitaux et de réseaux internationaux. Le Soudan ne possède ni l'un ni l'autre à un niveau suffisant.
L'Ukraine offre une comparaison différente : un pays en guerre qui, malgré tout, s'efforce de maintenir ses liens économiques et d'attirer les investisseurs internationaux. Les entreprises ukrainiennes continuent d'exporter des céréales, des produits sidérurgiques et des services informatiques. Des conférences internationales abordent la reconstruction et mobilisent des milliards d'euros d'aide. L'Ukraine bénéficie d'un soutien occidental massif, dispose d'infrastructures relativement développées (malgré les dégâts de la guerre), d'un système éducatif et d'une administration fonctionnelle dans une grande partie du pays. De plus, l'Ukraine lutte contre un agresseur extérieur, ce qui mobilise la solidarité internationale. Le Soudan, en revanche, est en proie à une guerre civile où les deux camps commettent des crimes de guerre et où la sympathie internationale reste limitée.
La Somalie offre sans doute le cas le plus comparable : un pays marqué par des décennies de guerre civile et d’effondrement de l’État. Pourtant, même la Somalie a connu un développement économique modeste dans certaines régions, notamment au Somaliland, relativement stable. L’élevage, les services de transfert d’argent et le commerce local y sont florissants. Les communautés de la diaspora somalienne en Europe et en Amérique du Nord sont dynamiques et investissent dans leur pays d’origine. La diaspora somalienne est plus restreinte et moins interconnectée, et le conflit y est plus étendu, ne laissant aucune sous-région sûre où l’activité économique puisse prospérer.
Le Rwanda, après le génocide de 1994, est un exemple de transformation réussie suite à une violence catastrophique. Le pays a connu le massacre d'environ un million de personnes en quelques mois. Malgré cela, il a réalisé un redressement remarquable, grâce à une gouvernance forte (bien qu'autoritaire), à l'aide internationale, aux investissements dans l'éducation et les infrastructures, et à une politique délibérée de réconciliation et de développement économique. Le Soudan, quant à lui, ne réunit aucune de ces conditions préalables : il n'existe aucun gouvernement reconnu doté d'autorité et de légitimité, l'aide internationale est limitée et souvent bloquée, l'éducation est inexistante et la réconciliation est impossible compte tenu des violences persistantes.
L’Irak après 2003 offre une autre comparaison : un pays ravagé par la guerre, aux infrastructures détruites, mais doté d’immenses réserves de pétrole qui ont financé sa reconstruction. Les multinationales sont revenues, attirées par le pétrole et les contrats de construction. La différence cruciale : l’Irak disposait d’une industrie pétrolière opérationnelle et d’une aide militaire et au développement internationale massive. Le Soudan a perdu la majeure partie de ses réserves de pétrole avec l’indépendance du Soudan du Sud en 2011 ; le pétrole restant est exploité par les belligérants et non utilisé pour la reconstruction.
Le Yémen, à l'instar du Soudan, est plongé dans une guerre civile brutale, illustrant les dangers d'une économie de guerre prolongée. Là aussi, diverses factions (les Houthis, le gouvernement soutenu par l'Arabie saoudite) contrôlent des régions et se financent grâce aux exportations de matières premières, à la contrebande et à l'aide internationale. L'économie s'est effondrée et la population souffre de la faim et des maladies. Cette comparaison montre qu'en l'absence de solution politique, il n'y a pas d'avenir économique. Le Soudan risque de devenir un « second Yémen » : un État failli en proie à une guerre civile permanente et à une crise humanitaire perpétuelle.
L'analyse montre que la reprise économique après un conflit est possible, mais qu'elle exige des conditions spécifiques : un État fonctionnel (même autoritaire), le contrôle des revenus tirés des ressources naturelles pour financer la reconstruction, un soutien international massif, une population instruite et compétente, et un minimum de sécurité et de prévisibilité. Le Soudan ne remplit aucune de ces conditions. Au contraire, le pays cumule les pires facteurs : une guerre en cours, une gouvernance fragmentée, le pillage des ressources par les belligérants, un manque de priorité internationale, un exode massif des classes instruites et une insécurité totale. Parler de développement des entreprises ou d'expansion des marchés dans ce contexte est non seulement irréaliste, mais aussi cynique.
Les vérités qui dérangent : risques, dépendances et distorsions structurelles
Une analyse critique de la situation économique du Soudan révèle plusieurs vérités dérangeantes, souvent ignorées dans les discours euphémistiques sur le développement.
Tout d'abord, l'économie de guerre est profitable à certains acteurs. Le général Dagalo, chef des RSF, est considéré comme l'un des hommes les plus riches du Soudan, sa fortune provenant du commerce de l'or et de la propriété foncière. Les Émirats arabes unis profitent de l'or soudanais bon marché et vendent en échange des armes coûteuses. Les commerçants égyptiens exploitent la détresse des réfugiés soudanais. Les seigneurs de guerre du Darfour contrôlent les mines et les routes de contrebande. Ces acteurs n'ont aucun intérêt pour la paix et l'état de droit, car cela mettrait en péril leurs profits. Tant que les mécanismes d'incitation récompenseront la guerre, celle-ci se poursuivra. C'est la « malédiction des ressources » dans sa forme la plus pure : la richesse en ressources – en particulier les biens facilement extractibles et destinés à la contrebande comme l'or – rend la guerre lucrative et la perpétue.
Deuxièmement, la communauté internationale a largement abandonné le Soudan. Alors que l'Ukraine et Gaza bénéficient d'une attention et d'une aide internationales considérables, le Soudan est un « conflit oublié ». Les raisons en sont multiples : son insignifiance géopolitique (le Soudan n'est ni un acteur énergétique et politique majeur, ni un acteur stratégique central), la lassitude face aux conflits après des décennies de crises soudanaises, les hiérarchies racistes qui sous-tendent l'attention internationale et la complexité d'une guerre civile sans camps clairement définis du « bien » et du « mal ». Conséquence : l'aide humanitaire est massivement sous-financée. En 2024, le Soudan n'a reçu qu'environ un tiers des 4,2 milliards de dollars américains nécessaires. L'aide au développement a quasiment cessé. Ce désintérêt international signifie que le Soudan ne peut prétendre à une aide à la reconstruction de type « plan Marshall » comme celle accordée à d'autres pays en crise.
Troisièmement, les conséquences écologiques et démographiques à long terme sont dévastatrices. Des millions d'enfants n'ont pas accès à l'éducation ; toute une génération grandit dans la violence, la faim et le désespoir. Le traumatisme est généralisé. Parallèlement, l'environnement et les ressources agricoles se dégradent en raison de la surexploitation, du manque d'entretien des systèmes d'irrigation et du changement climatique. La désertification s'accélère. Lorsque la guerre prendra fin, le Soudan se retrouvera avec une population analphabète et traumatisée, et des ressources naturelles dégradées : un contexte peu propice au développement.
Quatrièmement : La guerre exacerbe la fragmentation sociale et les divisions ethniques. Les Forces de soutien rapide (FSR) sont accusées de perpétrer un nettoyage ethnique au Darfour contre les populations non arabes. L’armée bombarde sans discernement les zones civiles. Les deux camps utilisent les violences sexuelles comme arme de guerre. Ces atrocités creusent des fossés profonds entre les communautés, qui perdureront pendant des générations.
Même en cas de cessez-le-feu, la question demeure : comment une société aussi profondément divisée peut-elle retrouver le chemin de la coexistence pacifique et de la coopération économique ? L’expérience du Rwanda, de la Bosnie et d’autres sociétés sortant d’un conflit montre que la réconciliation est possible, mais qu’elle prend des décennies et exige un effort politique actif – ce qui n’est pas envisageable actuellement au Soudan.
Cinquièmement : La dépendance aux exportations de matières premières perpétue le sous-développement. La structure des exportations du Soudan – or, sésame, gomme arabique, bétail – est typique d’un pays exportateur de matières premières non industrialisé. Ces produits ont une faible valeur ajoutée, des prix volatils et créent peu d’emplois. Ils sont également vulnérables au contrôle des élites et des seigneurs de guerre. Un développement économique durable exige l’industrialisation, la diversification et des chaînes de valeur – autant d’éléments impossibles à mettre en œuvre dans un Soudan ravagé par la guerre. Le conflit a détruit une base industrielle déjà fragile ; la reconstruction prendra des décennies.
Sixièmement : les sanctions internationales existantes compliquent même les activités commerciales les plus bien intentionnées. Les sanctions de l’ONU, de l’UE et des États-Unis comprennent des embargos sur les armes, des interdictions de voyager, le gel des avoirs des particuliers et des restrictions sur les transactions financières. Bien que ces sanctions ne visent officiellement que des secteurs et des individus spécifiques, elles ont de facto un effet dissuasif sur toute activité commerciale. Les banques et les entreprises évitent le Soudan par crainte d’infractions à la réglementation. Cela signifie que même si une entreprise soudanaise souhaitait exporter légalement, elle aurait du mal à trouver une banque internationale disposée à traiter les transactions ou un prestataire logistique prêt à transporter les marchandises.
Les débats controversés portent sur la question des responsabilités et des solutions. L’Occident a-t-il l’obligation d’aider le Soudan, ou s’agit-il d’une crise « africaine » qui doit être résolue par les Africains ? Faut-il durcir les sanctions pour faire pression sur les belligérants, ou cela entraverait-il l’aide humanitaire ? Faut-il négocier avec les chefs de guerre pour permettre aux organisations humanitaires d’accéder au territoire, ou cela légitimerait-il les criminels de guerre ? Ces questions sont complexes et la communauté internationale demeure divisée et paralysée.
Les objectifs contradictoires sont manifestes : aide humanitaire immédiate ou reconstruction étatique à long terme ; négociations avec les belligérants ou justice pour les victimes ; priorité aux centres urbains ou aux régions rurales ; investissements dans les infrastructures ou dans les programmes sociaux. Dans le contexte de guerre actuel, la survie prime inévitablement ; les questions de développement stratégique sont un luxe. Mais sans vision à long terme, le Soudan restera prisonnier du statut d’État failli.
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Crise humanitaire et économie : quel rôle peut jouer la diaspora ?
Entre dystopie et espoir : les pistes de développement possibles jusqu'en 2035
Les perspectives pour le Soudan sont sombres, mais des alternatives existent. Trois scénarios se dessinent, esquissant des avenirs radicalement différents.
Scénario 1 : État de défaillance permanent
Dans ce scénario pessimiste, mais malheureusement réaliste, la guerre civile s'enlise pendant des années sans qu'aucun camp ne remporte de victoire militaire décisive. Le Soudan se fragmente en zones d'influence contrôlées par diverses milices, seigneurs de guerre et acteurs étrangers. L'économie de guerre, fondée sur l'or, la contrebande et le soutien extérieur, se consolide. La catastrophe humanitaire devient permanente. Des millions de personnes demeurent dans des camps de réfugiés dans des pays voisins qui se montrent de plus en plus hostiles. La communauté internationale s'habitue à la crise et réduit encore son aide déjà insuffisante. Le Soudan devient une « seconde Somalie » ou un « second Yémen » : un État en faillite permanent, marginalisé par la communauté internationale. Dans ce contexte, tout développement économique est impossible ; le pays demeure une zone de guerre et une catastrophe humanitaire pour un avenir prévisible. L'expansion des entreprises soudanaises en Europe serait aussi absurde que d'imaginer des pirates somaliens ouvrir des boutiques à Hambourg.
Scénario 2 : Stabilisation fragile et reconstruction lente
Dans ce scénario modérément optimiste, un cessez-le-feu fragile est instauré dans les années à venir, peut-être sous l'égide de l'Union africaine, de l'IGAD ou de puissances internationales. Les belligérants s'accordent sur un partage du pouvoir ou sur une fédération de régions autonomes. Sous supervision internationale, un processus de reconstruction est lancé, s'appuyant sur l'allègement de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE) de 2021. Les banques internationales de développement et les bailleurs de fonds bilatéraux débloquent des milliards. La priorité est donnée à la restauration des infrastructures de base, des établissements de santé et d'éducation, et de l'agriculture.
Dans ce scénario, le Soudan pourrait connaître une légère reprise d'ici 2030-2035. Les simulations montrent que le rétablissement de la productivité agricole à son niveau d'avant-guerre et un investissement d'environ un milliard de dollars américains dans les infrastructures permettraient de sortir 1,9 million de personnes de la pauvreté. L'économie pourrait croître de 3 à 5 % par an, mais compte tenu des pertes considérables, il ne s'agirait que d'une reprise lente. La population resterait majoritairement pauvre et le Soudan demeurerait un pays parmi les moins avancés (PMA), dépendant des exportations de matières premières et de l'aide internationale.
Dans ce scénario, quelques entreprises soudanaises pourraient se lancer dans des exportations modestes, principalement dans la production agricole (gomme arabique, sésame) ou dans les services (par exemple, des start-ups fondées par la diaspora). Toutefois, même dans ce cas, il s'agirait de produits de niche, et non d'une offensive d'exportation à grande échelle. L'entrée sur le marché européen serait ardue et exigerait des années de préparation, des certifications et des capitaux. Au mieux, les produits soudanais certifiés commerce équitable pourraient apparaître dans des boutiques spécialisées, présentés comme un projet de reconstruction, à l'instar du café rwandais ou de l'artisanat bosnien après les conflits. Il n'est pas question de « conquête » du marché européen.
Scénario 3 : Renaissance transformatrice
Dans ce scénario optimiste, quoique hautement improbable, la guerre prend fin rapidement grâce à un accord de paix global soutenu par un large mouvement de la société civile. Un gouvernement de transition démocratique, incluant la société civile, accède au pouvoir. Impressionnée par ce changement de cap, la communauté internationale mobilise un soutien massif, à l'instar d'un « plan Marshall pour le Soudan ». Des commissions vérité et réconciliation sont mises en place, sur le modèle de celles du Rwanda ou d'Afrique du Sud. Des investissements affluent dans l'éducation, la santé, les énergies renouvelables et les infrastructures numériques.
Le Soudan exploite son immense potentiel agricole – 85 millions d'hectares de terres arables, un accès au Nil et un climat favorable – et s'impose comme le grenier de l'Afrique de l'Est. La production d'or est légalisée et réglementée, et ses recettes alimentent le budget de l'État. Une jeune génération, férue de technologie, crée des start-ups, notamment dans les secteurs de la fintech, de l'agritech et des énergies renouvelables. La diaspora soudanaise rentre au pays avec des capitaux et une expertise précieux. D'ici 2035, le Soudan sera un pays à revenu intermédiaire doté d'une démocratie fonctionnelle, d'une économie diversifiée et d'une classe moyenne en expansion.
Dans ce scénario, les entreprises soudanaises pourraient effectivement cibler les marchés internationaux : des producteurs alimentaires exportant des produits biologiques vers l’Europe ; des entreprises informatiques fournissant des services à une clientèle internationale ; des sociétés de logistique tirant parti de la position stratégique du Soudan entre l’Afrique et le Moyen-Orient. Cependant, même dans ce scénario le plus optimiste, un tel développement prendrait 10 à 15 ans et nécessiterait des conditions préalables importantes.
Scénarios pour le Soudan : opportunité de développement ou échec définitif ?
La réalité se situera probablement entre les scénarios 1 et 2 : un cessez-le-feu fragile après des années de guerre, suivi d’une reconstruction laborieuse et sous-financée. Les risques de perturbation sont nombreux : des chocs climatiques (sécheresses, inondations) pourraient aggraver la précarité alimentaire déjà fragile ; des conflits régionaux (comme une reprise de la guerre civile au Soudan du Sud ou l’instabilité en Éthiopie) pourraient s’étendre au Soudan ; des crises économiques mondiales pourraient entraîner une chute brutale des prix des matières premières et une réduction de l’aide au développement ; des évolutions technologiques (comme l’apparition d’alternatives à la gomme arabique) pourraient anéantir les marchés d’exportation du Soudan.
Les changements réglementaires au sein de l'UE pourraient également avoir un impact : des règles plus strictes concernant les minerais de conflit, la preuve d'origine et la durabilité rendraient l'accès aux marchés européens encore plus difficile pour les exportateurs soudanais. Parallèlement, les programmes de l'UE visant à promouvoir le développement de l'Afrique, tels que l'Initiative Global Gateway, pourraient théoriquement offrir des opportunités si le Soudan respecte les normes politiques et économiques minimales.
La situation géopolitique est également incertaine. La Chine et la Russie ont des intérêts historiques au Soudan (pétrole, mines, accès aux ports de la mer Rouge), mais leur volonté de soutenir un pays ravagé par la guerre est limitée. Les États du Golfe (Émirats arabes unis, Arabie saoudite) font partie intégrante du problème (livraisons d'armes, contrebande d'or) et représentent des partenaires potentiels pour la reconstruction. L'UE et les États-Unis ont largement abandonné le Soudan, mais pourraient manifester un regain d'intérêt en cas de changement politique, notamment en raison de la question du contrôle des migrations.
En résumé, le Soudan est confronté à un long et difficile chemin. Dans le meilleur des cas – une paix fragile et une reconstruction internationale – le pays connaîtra des progrès modestes jusqu'en 2035 et restera un pays en développement à faible revenu. Dans le pire des cas – la poursuite de la guerre civile – le Soudan deviendra un État failli permanent. Il n'existe aucun scénario réaliste permettant aux entreprises soudanaises de conquérir durablement les marchés européens ni d'utiliser l'Allemagne comme tremplin au cours des dix prochaines années. Cette perspective demeure une illusion, bien loin de toute réalité économique.
Conclusion amère : ce pays n’est pas fait pour les entrepreneurs.
Le constat final est sans appel : le Soudan, dans son état actuel, n’est pas un terreau fertile pour les ambitions entrepreneuriales, et encore moins pour l’expansion des entreprises à l’international. L’analyse approfondie met en lumière plusieurs conclusions essentielles qui concernent les décideurs politiques, les acteurs économiques et la diaspora soudanaise.
Premièrement : l’économie soudanaise n’existe actuellement pas en tant que système fonctionnel. Ce qui se passe au Soudan n’est pas une économie au sens moderne du terme – avec des marchés, des institutions, une sécurité juridique et une division du travail – mais une économie de guerre où les forces armées pillent les ressources, la population lutte pour sa survie et toute activité productive s’est effondrée à un niveau de subsistance. Parler de « développement du marché » ou d’« expansion » à partir de ce constat témoigne d’une incompréhension fondamentale des fondements de l’activité économique.
Deuxièmement, l'idée que des industries soudanaises puissent s'étendre en Europe est mal posée. Elle présuppose une chose qui n'existe pas : des entreprises soudanaises opérationnelles dotées de capacités de production, d'exportation et d'un sens stratégique aigu des affaires. En réalité, les quelques entreprises qui ont survécu luttent pour leur survie même. Les nouvelles micro-entreprises apparues pendant la guerre répondent aux besoins locaux de base dans des conditions extrêmement rudimentaires. Aucune d'entre elles ne dispose des ressources, des capitaux ou du savoir-faire nécessaires au commerce international.
Troisièmement, même dans les secteurs théoriquement exportables – gomme arabique, sésame, or, élevage – des obstacles structurels empêchent toute offensive d'exportation d'envergure. Parmi ces obstacles figurent : la perte de contrôle des zones de production due aux hostilités, la perturbation des chaînes d'approvisionnement et de la logistique, la baisse de la qualité et l'absence de certifications, les sanctions internationales et les risques de non-conformité, l'hyperinflation et la dévaluation monétaire, les faillites bancaires et l'impossibilité d'effectuer des paiements internationaux, ainsi que l'atteinte à la réputation liée à l'association avec les minerais de guerre et de conflit. Ces obstacles ne peuvent être surmontés par le marketing ou le développement commercial ; il s'agit de problèmes systémiques fondamentaux qui ne peuvent être résolus que par la paix, la reconstruction de l'État et des années de développement institutionnel.
Quatrièmement : Le rôle d’un « partenaire allemand en marketing, relations publiques et développement commercial » serait, avant tout, celui d’un conseiller pragmatique. Un prestataire de services allemand digne de confiance devrait expliquer aux prospects soudanais qu’une expansion en Europe est impossible dans les conditions actuelles et que toutes les ressources devraient être concentrées sur la survie, l’aide humanitaire et la préparation à long terme de la reconstruction. Le marketing ne peut créer des produits qui n’existent pas. Les relations publiques ne peuvent redorer une image profondément ternie par la guerre, la famine et les atrocités. Le développement commercial ne peut conclure des accords sans fondement.
Cinquièmement : Les conséquences à long terme de l’effondrement du Soudan dépassent largement les frontières du pays. Avec 12,9 millions de réfugiés et de personnes déplacées, le conflit déstabilise toute la région : l’Égypte, le Tchad, le Soudan du Sud et l’Éthiopie sont submergés par l’afflux de Soudanais. La famine entraînera des dommages sanitaires et développementaux durables pour des millions d’enfants. L’intégration économique régionale, notamment via la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), est compromise par l’effondrement du Soudan. Le Soudan n’est pas seulement une catastrophe nationale, mais une catastrophe régionale aux répercussions mondiales (migrations, extrémisme, coûts humanitaires).
Sixièmement : Les implications stratégiques pour les différents acteurs sont claires. Pour les entreprises européennes et allemandes : le Soudan n’est pas un marché. Il n’y a rien à y acheter ou à y vendre qui soit rentable. L’engagement doit être purement humanitaire ou – pour les entreprises de construction et les spécialistes des infrastructures – axé sur la reconstruction à long terme après la guerre, à l’instar de la manière dont les entreprises se positionnent vis-à-vis de la reconstruction de l’Ukraine. Pour les décideurs politiques en Allemagne et dans l’UE : le Soudan n’a pas besoin de promotion du commerce, mais plutôt de médiation dans le conflit, d’aide humanitaire et d’une stratégie de développement à long terme. Les sanctions existantes doivent rester ciblées afin d’affecter les chefs de guerre sans entraver l’aide humanitaire. Pour les investisseurs internationaux : le Soudan est à proscrire dans un avenir prévisible. Le risque politique est maximal, l’état de droit n’existe pas et l’expropriation et la violence sont toujours possibles. Pour les communautés de la diaspora soudanaise : l’engagement est important pour la reconstruction à long terme, mais dans des conditions réalistes. Les investissements de la diaspora doivent se concentrer sur l’éducation, la santé et la société civile, et non sur des transactions commerciales à court terme.
Septièmement : La question initiale recèle une ironie amère. L’idée que des entreprises soudanaises pourraient « conquérir » l’Europe inverse les rapports de force réels. Historiquement, les puissances coloniales européennes – la Grande-Bretagne et la France – ont exploité et dominé l’Afrique. Aujourd’hui encore, les matières premières circulent d’Afrique vers l’Europe, tandis que les produits finis et les capitaux circulent dans le sens inverse – une inégalité structurelle qui s’aggrave au lieu de se réduire. Le Soudan est l’exemple extrême d’un pays situé tout en bas de cette hiérarchie : pauvre, ravagé par la guerre, dépendant des ressources naturelles, dépourvu de capacités technologiques et institutionnelles. L’idée que de tels pays pourraient « conquérir » les marchés européens développés ignore complètement ces réalités structurelles.
En conclusion, le constat est sans appel : le Soudan n’est pas un partenaire propice à l’expansion des entreprises, mais une source d’urgence humanitaire d’une ampleur historique. La priorité absolue doit être la fin de la guerre, l’atténuation des souffrances humaines et la construction d’un État durable. Ce n’est que lorsque ces conditions fondamentales seront réunies – et cela prendra au mieux des décennies – que les questions de développement économique, d’exportations et d’intégration internationale pourront être abordées de manière constructive. D’ici là, toute discussion sur la pénétration du marché soudanais en Europe demeure non seulement irréaliste, mais aussi cynique au regard des souffrances incommensurables du peuple soudanais.
La recommandation stratégique pour tous les acteurs impliqués est claire : garder une vision réaliste, ne pas susciter de faux espoirs, définir des priorités humanitaires et se préparer au long et difficile chemin de la reconstruction – mais ne pas se lancer dans des aventures commerciales dans un pays qui n’existe actuellement que comme zone de guerre.
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