Pourquoi l’Europe ne s’effondre pas et ne se réveille pas – et pourquoi c’est là le plus grand danger
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Publié le : 23 décembre 2025 / Mis à jour le : 23 décembre 2025 – Auteur : Konrad Wolfenstein

Pourquoi l'Europe ne s'effondre pas et ne se réveille pas – et pourquoi c'est là le plus grand danger – Image : Xpert.Digital
Un écart de 33 % : la vérité brutale sur notre écart économique avec les États-Unis
Non pas une crise, mais une paralysie : pourquoi le véritable déclin de l’Europe passe inaperçu
L’Europe se trouve aujourd’hui dans l’une des situations les plus périlleuses de son histoire récente – non pas qu’elle soit en proie aux flammes, mais parce que le feu s’éteint lentement sans que personne ne tire la sonnette d’alarme. L’analyse des données économiques européennes actuelles ne révèle aucun effondrement spectaculaire, contrairement aux prédictions alarmistes. Elle met plutôt en lumière un phénomène bien plus insidieux : une érosion chronique et progressive de la substance, dissimulée sous un vernis de stabilité.
Alors que les États-Unis prennent l'ascendant technologique et que la Chine se réarme stratégiquement malgré ses propres difficultés, l'Europe demeure paralysée sur le plan institutionnel. La croissance stagne à peine au-dessus de zéro, l'écart de productivité avec les États-Unis est plus important qu'il ne l'a été depuis des décennies, et dans des domaines d'avenir cruciaux – de l'intelligence artificielle à la politique de défense moderne – le continent risque d'être relégué au rôle de simple spectateur.
L'analyse qui suit met en lumière les failles d'une architecture politique fondée sur le consensus, mais devenue un frein dans un monde où les décisions s'enchaînent à toute vitesse. Elle démontre pourquoi l'absence d'une révolution radicale n'est pas Segen, mais une malédiction, empêchant les réformes nécessaires. De la fragmentation de l'industrie de la défense à la révolution manquée de l'IA, en passant par le retour des politiques protectionnistes américaines, nous disséquons les vérités dérangeantes d'une superpuissance vieillissante qui doit choisir entre gérer son lent déclin ou se réinventer péniblement.
La crise silencieuse de l'Europe : entre l'illusion de la stabilité et l'érosion progressive de la substance économique
L'Europe se trouve dans une situation paradoxale. Alors que les médias et les analystes sont dominés par un discours de déclin et de crainte d'effondrement, l'économie continentale n'apparaît pas, de prime abord, comme un système en déliquescence catastrophique, mais plutôt comme un système chroniquement sous-performant. C'est précisément ce qui rend la situation européenne si dangereuse. Un effondrement brutal aurait déjà entraîné des réformes fondamentales, des bouleversements politiques radicaux et des refontes structurelles. Or, la paralysie rampante qui caractérise la situation actuelle de l'Europe conduit à une inertie institutionnelle, à une complaisance culturelle et à une incapacité à appréhender pleinement l'ampleur du danger.
Il est vrai que l'Union européenne est confrontée à des défis considérables. La situation sécuritaire qui a suivi l'attaque russe contre l'Ukraine a mis en lumière la vulnérabilité stratégique du continent. Les fondamentaux économiques sont fragiles, avec des taux de croissance inférieurs à 1 % dans la zone euro et déjà négatifs en Allemagne. La situation géopolitique est encore plus instable du fait du retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Pourtant, certains pessimistes évoquent un effondrement imminent qui ne se concrétise jamais, et une certaine circularité du débat européen fait que chaque avertissement est perçu comme une fausse alerte.
Le problème fondamental ne réside pas dans un manque de ressources ou d'intelligence au sein des élites européennes. Il réside dans l'architecture politique et institutionnelle qui fragmente ces ressources et paralyse cette intelligence. Parallèlement, il est fondamentalement erroné de considérer l'Amérique ou la Chine comme des mégamachines harmonieuses fonctionnant sans contradictions internes. Les deux superpuissances sont confrontées à des problèmes importants, connaissent des périodes de fragilité et sont sujettes à des revers retentissants. La différence ne réside pas dans l'absence de problèmes, mais dans la rapidité avec laquelle ils sont diagnostiqués, politisés et traités. L'Amérique et la Chine opèrent au sein de structures décisionnelles autoritaires, voire quasi-dictatoriales, tandis que l'Europe est soumise aux contraintes du consensus et de la négociation.
La réalité économique entre stagnation et déclin structurel
La croissance du PIB de l'Union européenne en 2024 s'est établie à 0,9 %. Les prévisions pour 2025 sont légèrement supérieures, oscillant entre 1,1 % et 1,3 %, mais ces chiffres masquent un malaise plus profond. Les pays de la zone euro demeurent en situation de sous-utilisation chronique de leur potentiel. L'Allemagne, fleuron économique de l'Europe, a connu une contraction de 0,5 % en 2024 et sa croissance ne devrait atteindre que 0,2 % en 2025. Il ne s'agit pas d'une croissance au sens propre du terme, mais d'une stagnation assortie d'améliorations superficielles. La France, l'Espagne et l'Italie affichent une dynamique légèrement plus positive, mais aucun de ces pays ne connaît une croissance suffisante pour relever les défis géopolitiques ni répondre aux exigences d'investissements accrus.
L'écart de productivité entre les États-Unis et les principales économies européennes est devenu un problème existentiel. Selon les calculs du cabinet de conseil en management McKinsey, cet écart s'est creusé pour atteindre environ 33 points de pourcentage. Un travailleur américain génère en moyenne 83 € de valeur ajoutée par heure, tandis que ses homologues européens sont à la traîne. Cet écart n'est pas dû à l'inertie ou à l'incompétence, mais bien à de profondes différences structurelles en matière d'allocation des capitaux, d'adoption des technologies et de flexibilité organisationnelle.
Les causes de cet écart sont bien documentées et largement connues, mais le combler exige des mesures qui s'opposent fondamentalement aux politiques européennes. Le marché du travail américain est flexible. Une entreprise américaine peut embaucher et licencier du personnel à une vitesse tout simplement impossible pour les entreprises allemandes. La sécurité de l'emploi, les conventions collectives, le droit à la codécision et la bureaucratie omniprésente en Allemagne ne constituent pas des obstacles faciles à surmonter. Ce sont des structures institutionnelles profondément ancrées dans la culture et les réseaux de lobbying du pays. Une entreprise qui doit s'adapter rapidement à l'évolution du marché peut agir aux États-Unis ; en Allemagne, elle est souvent paralysée.
L'écart d'investissement est particulièrement frappant. Les entreprises américaines investissent, en moyenne, deux fois plus de capital dans les machines, les systèmes informatiques et les logiciels que leurs homologues européennes. Cela explique directement la plus grande productivité des travailleurs américains. Ils ne travaillent pas plus dur, ni plus intelligemment, mais ils utilisent des technologies plus performantes et plus récentes. Un ingénieur allemand hautement qualifié, doté d'outils modernes, sera plus productif qu'un ingénieur utilisant du matériel obsolète, et ce phénomène se répercute sur l'ensemble de l'économie.
La politique monétaire de la Banque centrale européenne dispose de peu de marge de manœuvre pour résoudre ce problème structurel. La BCE peut baisser les taux d'intérêt et injecter des liquidités, mais ces mesures ne peuvent contraindre les entreprises à réaliser des investissements risqués et gourmands en capital dans les nouvelles technologies si l'environnement réglementaire et économique ne les y incite pas. En effet, une croissance chroniquement faible, associée à des politiques d'assainissement budgétaire, est un terreau fertile pour une spirale descendante. La faiblesse de la croissance entraîne une baisse des recettes fiscales, accentuant la pression sur la réduction des déficits, ce qui, à son tour, freine l'investissement public et tempère l'investissement privé par incertitude.
Le fossé technologique et l'avènement de l'IA comme point de bascule
Si le déficit de productivité de l'Europe est déjà alarmant, la situation en matière d'innovation technologique et d'intelligence artificielle est critique. Le marché mondial des investissements en R&D est dominé par les États-Unis, qui représentent environ 37 % des dépenses mondiales de R&D des 2 500 plus grandes entreprises. L'Union européenne représente environ 27 % et la Chine environ 10 %, mais la croissance fulgurante de la Chine dans ce secteur devrait inquiéter l'Europe. En 2000, les dépenses européennes en R&D étaient cinq fois supérieures à celles de la Chine. En 2014, les deux pays étaient à peu près à égalité. En 2019, la Chine investissait déjà un tiers de plus dans la recherche et le développement que l'Union européenne.
La différence dans la composition de ces dépenses de R&D est également révélatrice. Aux États-Unis, environ 78 % des investissements en R&D sont consacrés aux secteurs de haute technologie tels que les logiciels, le matériel informatique, l'industrie pharmaceutique et l'aérospatiale. Pour l'Union européenne, ce chiffre n'est que de 39 %. Le reste est réparti entre des industries de moyenne technologie comme l'automobile et la construction mécanique qui, bien qu'importantes, n'offrent pas le même potentiel de croissance exponentielle que le secteur de haute technologie. L'importance accordée par l'Europe aux industries de moyenne technologie est historiquement ancrée, économiquement rationnelle et permet de produire des biens de haute qualité. Cependant, à l'heure où l'avenir économique repose sur les logiciels, les semi-conducteurs et l'intelligence artificielle, cette orientation constitue un handicap structurel.
L'intelligence artificielle n'est pas un phénomène marginal ici, mais une force de transformation. Tandis que des entreprises américaines comme Microsoft, OpenAI, Google et d'autres investissent dans les technologies d'IA à un rythme et à une échelle qui dictent les priorités mondiales, de nombreuses entreprises européennes en sont encore à la phase pilote. On interprète souvent cela comme une aversion au risque, mais c'est plutôt la manifestation de la différence d'accès au capital-risque, du rythme différent de la déréglementation et du fait que les grandes transformations technologiques sont concentrées aux États-Unis.
C’est crucial, car l’IA n’est pas un secteur parmi d’autres, mais une technologie à usage général susceptible de transformer la productivité dans presque tous les secteurs économiques. Si les États-Unis dominent le domaine de l’IA et que l’Europe prend du retard, l’écart de productivité non seulement persistera, mais s’aggravera de façon exponentielle. Une entreprise européenne qui n’aura pas mis en œuvre de processus basés sur l’IA d’ici 2030 ne pourra pas rivaliser avec une entreprise américaine qui l’aura fait des années auparavant.
Il y a aussi une dimension culturelle à cela. L'Europe est perfectionniste à bien des égards. Le contrôle qualité allemand, la subtilité française, le design italien : autant de valeurs qui ont longtemps défini les industries européennes. Mais à l'ère de l'IA, le perfectionnisme peut freiner l'innovation. Aux États-Unis, l'approche est souvent plus pragmatique : on conçoit un produit abouti à 70 ou 80 %, on le lance rapidement, on tire des enseignements des utilisateurs et on itère. Cette tolérance aux erreurs et cette itération rapide sont des caractéristiques qui favorisent les modèles et les systèmes d'IA, car ces derniers s'améliorent grâce aux données issues d'applications réelles, et non par une planification théorique préalable.
Le dilemme de la politique de sécurité et la fragmentation de l'industrie européenne de l'armement
La situation sécuritaire de l'Europe est directement liée à sa fragilité économique. Suite à l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, l'Europe a été contrainte de reconnaître la nécessité d'augmenter considérablement ses budgets de défense, auparavant insuffisants. En 2024, les dépenses militaires européennes totales ont progressé de 17 % pour atteindre environ 693 milliards de dollars américains, soit une hausse globale de 83 % depuis 2015. L'Allemagne a augmenté son budget de défense de 31,5 % et la Pologne de 44,3 %. Ces chiffres sont impressionnants et témoignent d'un véritable engagement en matière de politique de sécurité.
Pourtant, la manière dont ces ressources sont déployées illustre parfaitement l'inefficacité européenne. Le marché européen de la défense demeure extrêmement fragmenté. Chaque État membre achète ses propres armes, finance ses propres systèmes d'armement et développe ses propres capacités industrielles. Ainsi, là où une industrie européenne de défense intégrée pourrait exister – avec des économies d'échelle, une spécialisation et une allocation optimisée des capitaux –, nous avons en réalité 27 marchés nationaux qui opèrent, souvent en concurrence plutôt qu'en coopération. Un hélicoptère allemand ne sera pas équipé de missiles français, même si cela serait techniquement possible et économiquement viable. Un char italien ne sera pas doté d'optiques allemandes, alors même que l'Allemagne est un leader dans ce domaine.
Cette fragmentation est non seulement inefficace, mais aussi stratégiquement désavantageuse. Alors que les États-Unis disposent d'une industrie de défense intégrée bénéficiant d'économies d'échelle considérables – ils consacrent environ 997 milliards de dollars par an à la défense et peuvent ainsi développer des systèmes d'armement qu'aucune autre nation ne peut imiter –, le budget de défense européen, nettement inférieur, est fragmenté entre 27 programmes nationaux. La Chine investit environ 314 milliards de dollars dans la défense, mais peut allouer ces fonds de manière centralisée à la poursuite d'objectifs stratégiques.
Les institutions européennes en matière de défense sont également faibles. Il n'existe pas de commission européenne centralisée chargée de l'armement, capable de définir les priorités. Les décisions relatives aux achats d'armements sont prises au niveau national, où les intérêts particuliers – préservation des emplois dans l'industrie d'armement nationale, fierté nationale – l'emportent souvent sur la rationalité économique. L'Allemagne souhaite acheter des chars allemands, même si les chars français pourraient être plus performants. La France veut des avions de chasse français, alors qu'une coopération européenne serait plus rentable. Il en résulte un gaspillage considérable.
Ce problème n'est pas nouveau. Il est documenté et analysé depuis le début de la coopération européenne en matière de défense. Cependant, la crise sécuritaire actuelle lui confère une urgence nouvelle. L'Ukraine a besoin d'énormes quantités de munitions et d'armements. La capacité de l'Europe à les fournir est chroniquement limitée, non pas par manque de richesse, mais parce que son industrie de défense n'est pas organisée pour livrer avec la rapidité requise par une campagne de défense intensive.
Et pourtant, même en cette heure critique, l’Europe peine à élaborer une politique de défense européenne cohérente. La Commission européenne a proposé un programme de « réarmement de l’Europe », mais les désaccords sur les objectifs d’endettement et la coordination entre l’UE et l’OTAN entravent sa mise en œuvre. Des pays comme la Hongrie ont tenté de bloquer les sanctions européennes contre la Russie. L’inertie institutionnelle qui paralyse la structure économique européenne refait surface en matière de politique de sécurité.
Les défis posés par Trump et la nouvelle dynamique commerciale
La réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis a introduit une nouvelle incertitude dans les relations euro-américaines. Trump a annoncé son intention d'imposer des droits de douane à l'importation pouvant atteindre 20 % sur les produits européens ; certains scénarios évoquent même des droits de douane allant jusqu'à 60 % sur certains articles. Selon les calculs de Bloomberg Economics, un droit de douane disproportionné de 20 % sur les produits européens réduirait les exportations de l'UE vers les États-Unis d'environ 50 %.
Cela représente une menace existentielle pour certains secteurs de l'industrie européenne. L'Allemagne, dont l'économie est fortement axée sur l'exportation, est très dépendante du marché américain. Les entreprises françaises et italiennes sont moins dépendantes des exportations, mais elles souffriraient elles aussi du protectionnisme américain. L'incertitude en elle-même, et non même les droits de douane, freinerait la croissance. Si un entrepreneur européen ignore si des droits de douane seront imposés, il reportera ses investissements majeurs, ce qui entravera davantage la croissance européenne.
Il est révélateur que Trump agisse ainsi non pour des raisons idéologiques, mais selon une logique mercantiliste et transactionnelle. Ses administrations cherchent à réduire le déficit commercial bilatéral. Les États-Unis importent davantage d'Europe qu'ils n'exportent, et Trump perçoit les droits de douane comme un moyen de corriger ce déséquilibre. Cette approche est économiquement discutable – les droits de douane font généralement plus de mal que de bien – mais elle est politiquement logique dans un système où l'emploi industriel aux États-Unis est considéré comme un indicateur de puissance nationale.
Pour l’Europe, la conclusion est sans appel : l’initiative « Action pour la sécurité de l’Europe », avec son programme de prêts de défense de 150 milliards d’euros, est certes nécessaire, mais insuffisante si l’accès au marché américain est simultanément restreint et que les entreprises européennes sont confrontées à des droits de douane américains. L’Europe doit impérativement accroître ses dépenses de défense, réorganiser son industrie d’armement, sécuriser son approvisionnement énergétique et maintenir son marché ouvert face au protectionnisme américain.
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Le problème de l'impasse en Europe : pourquoi la paralysie institutionnelle devient un risque stratégique
Les problèmes de la Chine et l'illusion de son ascension irrésistible
Alors que les analyses européennes présentent souvent la Chine comme une mégamachine indifférenciée qui s'étend et se consolide sans relâche, la situation réelle en République populaire de Chine est bien plus complexe. La Chine est confrontée à d'importants problèmes structurels qui ralentiront sa croissance dans les années à venir.
Le premier problème est la crise immobilière. Pendant des décennies, le marché immobilier chinois a été alimenté par la conviction que les prix de l'immobilier augmenteraient indéfiniment. Les gouvernements provinciaux, dépendants des recettes des ventes immobilières, ont lancé des projets de construction colossaux. Des promoteurs comme Evergrande et Country Garden sont devenus des géants. Mais à un moment donné, les fondements se sont fragilisés. L'offre d'appartements dépassait la demande, les prix ont stagné, puis chuté. Un promoteur qui avait financé un projet immobilier en misant sur la hausse des prix se retrouve soudainement en difficulté financière. Les prêts sont bloqués et les projets suivants ne peuvent être menés à terme. C'est un cas classique d'éclatement de bulle immobilière.
Le second problème est le déclin démographique. La population chinoise vieillit rapidement. Le taux de natalité est nettement inférieur au taux de remplacement. Cela signifie que d'ici quelques décennies, la population active chinoise diminuera. Un pays dont la population active se réduit connaîtra une croissance moindre, à moins d'une forte augmentation de la productivité par habitant. La Chine ne peut compenser ce déclin démographique par l'immigration : les barrières culturelles et politiques sont trop importantes.
Le troisième facteur est la dette. Les gouvernements provinciaux chinois sont fortement endettés en raison de leurs investissements dans les infrastructures et les projets de construction. Cette dette était gérable pendant la période de forte croissance économique, mais avec le ralentissement de celle-ci, elle devient un fardeau. Un pays dont la dette publique est élevée par rapport à son revenu dispose de moins de marge de manœuvre budgétaire pour absorber les chocs économiques.
Le quatrième facteur est la faiblesse de la demande des consommateurs. Les consommateurs chinois épargnent trop et consomment trop peu. Cela reflète en partie une incertitude généralisée quant à la sécurité des retraites et à la qualité du système de santé, mais cela signifie également que l'économie chinoise ne peut croître grâce à la demande intérieure et reste dépendante des exportations. Face à une demande mondiale atone et aux droits de douane américains, ce modèle d'exportation se fragilise.
Tout cela se manifeste par des tendances déflationnistes. Alors que la plupart des pays industrialisés étaient aux prises avec des problèmes d'inflation, la Chine connaissait une période de baisse des prix. La déflation est insidieuse car elle entraîne une réduction de la consommation : les consommateurs reportent leurs achats dans l'espoir que les prix baissent davantage. Cela freine la consommation et aggrave la fragilité économique.
Les prévisions officielles concernant la croissance chinoise en 2024 tablaient sur 5 %, un objectif atteint de justesse, malgré d'importantes approximations statistiques. De nombreux analystes indépendants estiment que la croissance réelle a été nettement inférieure, probablement entre 2,4 et 2,8 %. Pour 2025, la plupart des prévisions tablent sur une croissance d'environ 4,4 %, bien en deçà de l'objectif officiel de 5 %. Les perspectives pour 2026 sont encore plus sombres.
Cela ne signifie pas pour autant que la Chine va s'effondrer. Les scénarios d'un effondrement brutal sont exagérés. Mais cela signifie que l'ère de la croissance chinoise à un chiffre élevé est révolue. Le pays entrera dans une phase d'ajustement structurel plus lente. Ce sera politiquement difficile, car le Parti communiste a en partie fondé sa légitimité sur la promesse d'un progrès économique rapide.
La vitalité de l'Amérique et les limites de sa force
Les États-Unis se présentent actuellement comme la première puissance économique mondiale. Ils affichent des taux de croissance élevés – bien supérieurs à 2 % par an –, un écosystème de capital-risque dynamique, une position de leader dans les technologies et les logiciels, ainsi qu'un marché du travail flexible. L'administration Biden, puis l'administration Trump, ont mis en œuvre des politiques industrielles ambitieuses, notamment la loi sur la réduction de l'inflation, visant à relocaliser la production manufacturière aux États-Unis et à réduire la dépendance technologique.
Les États-Unis représentent environ 37 % des dépenses mondiales en R&D et dominent les secteurs de haute technologie. Cryptomonnaies, intelligence artificielle, biotechnologies : autant de domaines où les États-Unis donnent le ton. La Silicon Valley, le concept de Singularité et une foi inébranlable dans la disruption et la croissance tirée par la technologie façonnent la culture économique américaine.
Mais l'Amérique a aussi ses problèmes. La situation budgétaire est préoccupante. Le déficit budgétaire américain est colossal et le ratio de la dette nationale ne cesse d'augmenter. Une hypothétique administration Trump qui réduirait les impôts et augmenterait les dépenses pourrait aggraver ces problèmes. L'endettement privé est également élevé. Une hausse des taux d'intérêt au-delà des niveaux actuels pourrait entraîner des difficultés de remboursement pour les entreprises et les ménages.
Les infrastructures vieillissent. Les États-Unis n'investissent pas suffisamment dans leurs infrastructures physiques, ce qui freinera la productivité à moyen terme. Les inégalités géographiques au sein du pays sont criantes : des villes industrielles dévastées côtoient des pôles technologiques florissants sur la côte. Ces tensions internes sont politiquement explosives.
La situation géopolitique est également complexe. Si la Chine représente une menace, l'administration Trump a fragilisé l'alliance transatlantique en prenant ses distances avec les engagements de l'OTAN et en hésitant à soutenir l'Ukraine. Cette attitude est stratégiquement discutable, car les États-Unis ont un intérêt à long terme à une région européenne stable et prospère, non dominée par des forces autoritaires.
L’exception américaine – l’idée que les États-Unis resteront inévitablement la puissance dominante et que l’innovation de rupture mènera automatiquement à cette domination – n’est pas non plus entièrement garantie. Aucune règle historique n’établit la stabilité des superpuissances économiques. Rome a dominé, puis a perdu son hégémonie. L’Empire britannique a été hégémonique, puis ne l’a plus été.
La paralysie institutionnelle de l'Europe et le coût de l'unanimité
Le problème central de l'Europe est d'ordre institutionnel et politique, et non principalement économique. L'Europe possède des richesses, des compétences, des technologies et une population hautement qualifiée. Ce qui lui manque, c'est une structure institutionnelle efficace permettant l'élaboration et la mise en œuvre rapides et cohérentes de politiques. Tel est l'héritage du projet d'intégration européenne, fondé sur le principe du respect de la souveraineté nationale et de la prise de décision par consensus.
Durant l'après-guerre et la Guerre froide, la logique était rationnelle : l'intégration économique rendrait impossible la guerre entre les nations européennes. Les institutions supranationales instaureraient la confiance entre elles. Ce modèle s'est avéré efficace. La paix régnait en Europe occidentale, la prospérité augmentait et d'importants transferts économiques profitaient aux régions les plus pauvres.
Cependant, le modèle consensuel a également révélé des faiblesses systémiques, notamment dans un monde en mutation rapide. Si 27 États membres exigent l'unanimité, chaque État membre dispose de facto d'un droit de veto. Cela favorise la formation de coalitions de blocage. La Hongrie peut ainsi bloquer les sanctions européennes contre la Russie. Un pays peut bloquer la politique européenne en matière d'armement si ses intérêts nationaux divergent. Un pays peut saboter la politique climatique.
Les institutions européennes tentent de contourner ces jeux de veto en exigeant l'unanimité, mais cela engendre une inflation des procédures administratives et des retards considérables. Une loi simple, qui pourrait être adoptée en quelques mois par un parlement national, prend des années à Bruxelles. Il ne s'agit pas seulement d'une perte d'efficacité, mais aussi d'une perte de capacité stratégique. Dans le monde actuel, où tout va très vite, la capacité de décision rapide est un atout, et non un handicap.
L’absence de réforme institutionnelle n’est pas un hasard. Elle résulte de la volonté d’acteurs nationaux importants – la France, l’Allemagne et la Pologne – de préserver leur puissance. La France refuse que Bruxelles dicte sa politique étrangère. L’Allemagne refuse que Bruxelles dicte sa politique budgétaire. La Pologne refuse que Bruxelles dicte son système judiciaire. Cette position est compréhensible d’un point de vue national, mais elle paralyse fondamentalement l’action européenne.
La Banque centrale européenne est un exemple d'institution qui fonctionne grâce à un mandat relativement clair et à un consensus sur ses objectifs. Cependant, même la BCE est limitée par ses structures institutionnelles. Elle peut mener une politique monétaire, mais ne peut imposer de réformes structurelles. Elle ne peut créer une union budgétaire européenne. Elle ne peut résoudre les problèmes énergétiques.
La Commission européenne tente de compenser ce manque par son pouvoir réglementaire. Le RGPD (Règlement général européen sur la protection des données) illustre comment ce pouvoir peut s'appliquer à l'échelle mondiale. Les directives relatives à la transition énergétique verte en sont d'autres exemples. Toutefois, ce pouvoir réglementaire présente aussi des inconvénients : il complexifie l'entrepreneuriat, restreint la flexibilité de l'allocation des capitaux et peut freiner l'innovation.
Un entrepreneur européen souhaitant tester un nouveau modèle économique doit composer avec les lois européennes sur la protection des données, la sécurité au travail et l'environnement. Ce n'est pas forcément une mauvaise chose – ces lois ont souvent une utilité importante – mais cela signifie aussi que les coûts de l'entrepreneuriat sont plus élevés qu'aux États-Unis, où le cadre réglementaire est moins contraignant.
Que nous réserve l'avenir si aucune mesure radicale n'est prise ?
Les scénarios pour les cinq à dix prochaines années ne sont pas dramatiques. L'Europe ne s'effondrera pas. Elle ne deviendra pas un acteur périphérique. Elle ne sera pas dominée militairement. Mais elle pourrait évoluer vers un état de déclin progressif de sa richesse. Un continent riche et stable, mais peu dynamique, perdant inexorablement de l'influence au profit de puissances technologiquement plus dynamiques et stratégiquement plus agressives.
L'Allemagne continuera d'exporter des produits de haute qualité, mais perdra des parts de marché au profit des États-Unis et de la Chine. La France maintiendra des standards élevés, mais continuera de lutter contre des résistances nationales, et ce de manière fragmentée. L'Italie continuera de produire des créations admirées dans le monde entier, mais sera confrontée à des problèmes budgétaires chroniques. L'Espagne restera plus stable que les autres pays d'Europe du Sud, mais elle ne bénéficiera pas de la croissance dynamique nécessaire pour surmonter les défis démographiques.
Dans le même temps, les États-Unis et la Chine consolideront leurs positions respectives. L'Amérique conservera sa domination dans les domaines de l'IA et des biotechnologies. Elle continuera d'attirer les capitaux-risqueurs et l'entrepreneuriat. Si les politiques industrielles de Trump se concrétisent, l'Amérique pourrait même connaître un recul de la production dans certains secteurs, non pas par rationalité économique, mais par nécessité politique pour maintenir son hégémonie.
Malgré ses difficultés actuelles, la Chine s'efforcera d'accélérer son développement technologique. Grâce à des investissements publics massifs dans les semi-conducteurs, l'intelligence artificielle et l'informatique quantique, elle tentera de réduire sa dépendance technologique vis-à-vis des États-Unis. Ce sera coûteux et peu efficace, mais viable.
Il existe également plusieurs scénarios imprévisibles. Une guerre à propos de Taïwan bouleverserait la donne. Un effondrement incontrôlé de la Chine déstabiliserait l'ordre mondial. Un effondrement financier américain spectaculaire est improbable, mais pas impossible. Une guerre majeure pour la sécurité en Europe, déclenchée par une intervention russe contre un membre de l'OTAN, entraînerait des changements radicaux.
Mais dans un scénario de référence, où ces événements extrêmes ne se produisent pas, l'avenir de l'Europe ne ressemble pas à une catastrophe, mais à un déclin relatif chronique et auto-entretenu.
Surmonter la paralysie : les vérités dérangeantes
Les problèmes de l'Europe ne sont pas insurmontables. Ils exigent toutefois des mesures radicales, et de telles mesures sont politiquement difficiles. L'Europe doit mettre en œuvre des réformes institutionnelles. Cela implique l'instauration du vote à la majorité qualifiée en matière de politique étrangère, la limitation du droit de veto des États membres et l'accélération du processus décisionnel.
L'Europe doit consolider et intégrer son industrie de défense. Cela entraînera des débats nationaux difficiles sur les sites industriels et les emplois. Les entreprises françaises, allemandes et espagnoles devront donc coopérer ou fusionner. C'est un enjeu politique complexe.
L'Europe devrait investir massivement dans la recherche et le développement, notamment dans l'IA et les semi-conducteurs. Cela représente un coût important et exige une coopération budgétaire. Il faudrait que des pays financièrement rigoureux comme l'Allemagne acceptent un emprunt européen commun, ce qui est politiquement controversé.
L'Europe doit rendre son marché du travail plus flexible. Cela implique de réduire la sécurité de l'emploi, de limiter la portée des négociations collectives et de simplifier les procédures administratives. Ces mesures se heurteraient à l'opposition des travailleurs, des syndicats et des partis de gauche. C'est un enjeu politique majeur.
L'Europe doit transformer son infrastructure énergétique. Cela implique des investissements massifs dans les énergies renouvelables, les technologies de stockage et l'infrastructure hydrogène. Ce processus est coûteux et prendra des décennies.
Ces choses ne sont pas impossibles. Elles ne sont pas techniquement irréalisables. Mais elles requièrent une volonté politique que les démocraties européennes ne semblent pas capables de mobiliser actuellement.
Voilà le véritable problème en Europe. Ce n'est pas que la solution soit inconnue, mais que son coût soit élevé et qu'il pèserait sur les groupes ayant le pouvoir politique de la bloquer.
L’Europe demeure donc prisonnière de sa situation actuelle. Non pas d’un effondrement, ni d’une crise, mais d’une sous-performance chronique, due à une paralysie structurelle et à des inefficacités institutionnelles difficiles à résoudre. C’est précisément ce danger qui est le plus difficile à déceler, bien plus qu’un déclin brutal.
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