Éléments constitutifs de la défense nationale de l'UE : le concept de nation-cadre de l'OTAN

### Comment les petits États de l'OTAN « s'arriment » à la Bundeswehr et pourquoi cela rend tout le monde plus fort ### Comment la Bundeswehr devient l'épine dorsale de la défense européenne ### Focus sur le rôle central et l'importance stratégique de l'Allemagne ### Le concept de nations-cadres : ce qui se cache derrière la stratégie la plus importante de l'OTAN dont presque personne ne parle ### Elle n'est devenue décisive qu'en raison de la crise ukrainienne : le concept de l'OTAN qui redéfinit la sécurité de l'Europe ### Une nation mène, beaucoup suivent : comment l'Allemagne révolutionne la coopération militaire en Europe ###

Qu’est-ce que le concept de nation-cadre et comment est-il né ?

Le Concept de nation-cadre représente l'une des approches les plus importantes de la coopération militaire au sein de l'OTAN. Lorsque j'ai commencé à m'impliquer dans cette initiative, j'ai été confronté à la question fondamentale de ses origines et de ses motivations.

Les origines du Concept de Nation Cadre remontent à 2013, lorsque le ministre fédéral allemand de la Défense de l'époque, Thomas de Maizière, a développé cette initiative. Il est intéressant de noter que la première annonce publique du concept s'est faite quelque peu par hasard. En juin 2013, lors d'une réunion de l'OTAN, de Maizière a annoncé que l'Allemagne allait élaborer une nouvelle initiative de coopération – une déclaration qui a même surpris son propre ministère.

Cette annonce, qui semblait spontanée au départ, était pourtant le fruit d'une analyse systématique du paysage de la défense européenne. Au sein du ministère allemand de la Défense, des personnalités clairvoyantes ont perçu l'opportunité d'« européaniser » la Bundeswehr et ont ainsi posé les bases du Concept des Nations-cadres.

Quelle a été la situation initiale qui a conduit au développement du concept ?

L’élaboration du Framework Nation Concept s’est basée sur une évaluation sobre de la situation sécuritaire européenne au début des années 2010. Plusieurs facteurs ont contribué à la prise de conscience que de nouvelles formes de coopération militaire étaient nécessaires.

Le principal facteur déclencheur fut la baisse continue des dépenses militaires en Europe. Cette évolution a conduit à des coupes radicales dans les forces armées européennes, vivement critiquées par les États-Unis. Les forces armées européennes étaient devenues trop petites pour faire à elles seules une différence significative. Alors que la Russie compte plus d'un million de soldats, les forces armées européennes varient d'environ 6 400 soldats en Estonie à environ 200 000 en France.

Cette répartition inégale a eu pour conséquence qu'un tiers des pays de l'UE et de l'OTAN comptaient moins de 20 000 soldats, tandis que huit États représentaient 80 % des forces armées européennes. Parallèlement, les capacités militaires de base, telles que le commandement, la logistique et la reconnaissance, ainsi que des capacités spécialisées comme la défense aérienne et le soutien médical, faisaient de plus en plus défaut.

Les planificateurs militaires de la Bundeswehr ont reconnu que l'impulsion donnée au développement du Concept des Nations-cadres provenait principalement de la baisse des dépenses militaires en Europe. Cette situation a clairement montré que les nations européennes ne pouvaient posséder toutes les capacités nécessaires qu'ensemble.

Qui a développé le Framework Nation Concept et avec quelle motivation ?

Le Concept de nation-cadre a été élaboré sous l'impulsion de l'Allemagne, sous la direction du ministre fédéral de la Défense, Thomas de Maizière. Cette initiative allemande est née du constat que l'Allemagne devait jouer un rôle plus actif dans l'architecture de sécurité européenne.

Les motivations derrière le développement de ce concept par l'Allemagne étaient complexes. D'une part, il visait à remettre au premier plan la coopération en matière de défense entre les pays de l'OTAN. L'Allemagne tentait d'affirmer sa prétention au leadership de la coopération européenne en matière de défense sans faire explicitement référence à la primauté ou à l'hégémonie.

Thomas de Maizière a délibérément choisi l'OTAN comme forum pour présenter son concept. Ce choix reflétait la volonté de l'Allemagne de se présenter comme un partenaire militaire fiable et de dissiper le scepticisme quant à sa fiabilité. Le Concept de nation-cadre représentait ainsi une étape importante vers un partage transatlantique des charges.

Après l’annonce initiale en juin 2013, il a fallu plusieurs semaines au ministère de la Défense pour envoyer un document concret de « matière à réflexion » au secrétaire général de l’OTAN, qui a été préparé pour être discuté lors de la prochaine réunion des ministres de la Défense en octobre.

Quels étaient les objectifs initiaux du Framework Nation Concept ?

Dès le départ, les objectifs du Concept-cadre de nation étaient ambitieux et multidimensionnels. L'objectif principal était de permettre le développement conjoint et structuré des capacités militaires des États européens. Il s'agissait de poursuivre des objectifs à long terme tout en favorisant de manière visible et rapide l'interopérabilité entre les forces armées participantes.

L'un des principaux objectifs était de combler les lacunes capacitaires identifiées par l'OTAN. Cet objectif devait être atteint grâce à une approche coordonnée dans laquelle les États européens se regrouperaient en groupes et coordonneraient, sur le long terme, la fourniture de quels équipements et de quelles troupes.

Le concept visait à éliminer la nécessité pour chaque nation de fournir et de financer tout. Cela libérerait davantage de fonds pour répondre aux besoins réels de chaque groupe. Cette efficacité accrue était un aspect central de l'initiative allemande.

L'objectif à long terme était de créer une puissante alliance d'armées européennes. Il était important de souligner que le Concept de Nation Cadre n'était pas conçu comme une voie vers une « armée européenne », mais plutôt pour préserver la pleine souveraineté nationale des États participants.

Un autre objectif important était de renforcer la défense collective par la coopération multinationale. Ce concept visait à renforcer durablement et de manière crédible la capacité de défense du pilier européen de l'Alliance.

Quel rôle la crise ukrainienne a-t-elle joué dans cette évolution ?

La crise ukrainienne de 2014 a joué un rôle déterminant dans le développement et l'acceptation du Concept de nation-cadre. Bien que ce concept ait déjà été élaboré en 2013, l'annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014 a fondamentalement modifié les paramètres de la politique de sécurité en Europe.

L'annexion de la Crimée par la Russie et la déstabilisation de l'Ukraine ont suscité de vives inquiétudes quant aux ambitions de Moscou, notamment en Europe de l'Est. Ces événements ont redonné un nouvel élan à l'OTAN en tant que garant de la sécurité. L'évolution de la situation sécuritaire a clairement montré que l'approche traditionnelle, fondée sur de petites unités mobiles, ne suffirait pas à dissuader de vastes forces armées soutenues par des États.

La crise ukrainienne a conduit à un élargissement des objectifs initiaux du Concept de nation-cadre. Suite à l'annexion de la Crimée par la Russie et au déclenchement de la guerre russo-ukrainienne en 2014, cet objectif a été élargi pour inclure la formation d'unités militaires plus importantes, de la taille d'une division. Cela a marqué la transition du Concept de nation-cadre 1.0 initial, axé sur des capacités de niche comme la défense aérienne, au Concept de nation-cadre 2.0, né de la crise ukrainienne.

Les événements en Ukraine ont bouleversé les plans initiaux du sommet de l'OTAN au Pays de Galles en septembre 2014. Les chefs d'État et de gouvernement avaient initialement voulu discuter de l'avenir de l'Alliance après la mission en Afghanistan, mais la crise ukrainienne a modifié les thèmes centraux du sommet.

Comment le concept a-t-il été officiellement introduit au sein de l’OTAN ?

L’introduction officielle du Framework Nation Concept au sein de l’OTAN s’est déroulée en plusieurs étapes entre 2013 et 2014. Après l’annonce initiale en juin 2013 et la soumission du document « Food for Thought » en octobre 2013, le concept a fait l’objet de discussions intensives au sein de l’Alliance.

Le moment décisif a eu lieu lors du sommet de l'OTAN au Pays de Galles, les 4 et 5 septembre 2014. Lors de ce sommet, le Concept de nation-cadre a été officiellement adopté par les chefs d'État et de gouvernement des États membres de l'OTAN. La déclaration du sommet du Pays de Galles stipule : « Aujourd'hui, nous avons également approuvé le Concept de nation-cadre de l'OTAN. Il rassemble des groupes d'Alliés coordonnés par une nation-cadre. »

Le Concept de nation-cadre a été approuvé dans le cadre du Plan d'action de l'OTAN pour la réactivité, élaboré en réponse à la crise ukrainienne. Ce plan visait à garantir que l'Alliance soit prête à réagir rapidement et avec détermination aux nouveaux défis sécuritaires.

Avec l'adoption officielle au Sommet du Pays de Galles, les différents modèles de coopération ont été potentiellement liés aux processus de l'Alliance afin de créer des synergies au sein de celle-ci. Parallèlement, il a été précisé que la coopération devait rester avant tout une affaire des États et de leurs forums et processus de consultation respectifs.

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Quels changements structurels le concept a-t-il apportés ?

Le concept de nation-cadre a entraîné des changements structurels importants dans l'architecture de l'OTAN. Initialement, trois groupes distincts de nations-cadres ont émergé, centrés sur l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Italie. Ces trois approches diffèrent sensiblement par leurs objectifs, leurs méthodes et leur structure.

Le groupe allemand du Concept de nation-cadre s'est articulé autour de deux piliers. Dès sa création, il s'est concentré sur le développement coordonné des capacités au sein de clusters capacitaires. Depuis 2015, le développement d'unités de forces multinationales de plus grande envergure est également au cœur de ses préoccupations. Le Concept de nation-cadre allemand comprend actuellement 16 clusters, chacun axé sur un ou plusieurs objectifs capacitaires, comme la lutte anti-sous-marine.

En tant que nation-cadre, l'Allemagne a notamment assumé le leadership du pôle logistique. Sous la direction du commandement logistique, diverses capacités logistiques ont été développées de manière coordonnée. Parmi les autres pôles importants figure la protection NBC, pour laquelle le commandement de la défense NBC de la Bundeswehr à Bruchsal assure le commandement national des capacités.

Le nombre de participants a constamment augmenté. Alors que dix pays participaient initialement au Groupe conceptuel des nations-cadres allemandes, ce nombre comprend désormais 21 nations. Parmi elles figurent des États de l'UE non membres de l'OTAN. En juin 2016, il a été convenu d'ouvrir la coopération à des pays et organisations partenaires extérieurs à l'OTAN.

Quelles sont les fonctions concrètes du Concept de Nation Cadre ?

Le concept de nation-cadre fonctionne selon une approche « plug-in ». L'idée de base est que les petites nations ayant considérablement réduit la taille de leurs forces armées peuvent intégrer leurs capacités restantes au sein d'une nation-cadre plus vaste. La nation-cadre fournit l'ossature militaire, composée de la logistique, du commandement et du contrôle. Les petites nations y apportent leurs capacités spécialisées, telles que la défense aérienne ou le génie.

La coordination est assurée par différents comités directeurs qui se réunissent sous la présidence allemande. Les décisions fondamentales sont prises par les ministres de la Défense du Concept-cadre des Nations lors de réunions préparées et suivies par Berlin. L'Allemagne joue ainsi un rôle crucial dans les travaux du groupe du Concept-cadre des Nations.

Le concept suit une approche ascendante. Les pays du Concept des Nations-cadres décident librement des groupes auxquels ils souhaitent participer. Cette flexibilité rend le concept attractif pour les États membres, mais signifie également que le Concept des Nations-cadres, en tant que concept des États, repose sur leur engagement.

La mise en œuvre pratique s'effectue au travers de divers exercices et mesures de coordination. L'exercice « Coronat Mask 2024 » dans le domaine de la protection NBC en est un exemple. Il a établi de nouvelles normes en matière de capacités de défense multinationales et a favorisé l'intégration et la préparation opérationnelle des forces armées européennes.

Quels sont les défis et les limites du concept de nation-cadre ?

Malgré ses succès, le Concept de Nation Cadre présente plusieurs défis et limites structurelles. L'un des principaux défis réside dans le fait qu'il repose fortement sur le leadership déterminé de la nation cadre concernée. En l'absence d'un leadership décisif, la flexibilité du Concept de Nation Cadre peut passer d'un atout à un point faible, l'alliance étant dépourvue d'organe central de coordination.

Un autre problème est que le concept de nation allemand et britannique, axé sur un pool de forces composé d'armées nationales, n'offre pas nécessairement de solution directe à la question du déploiement rapide d'unités multinationales en cas de crise. Même si la coopération vise bien sûr à accélérer un éventuel processus de génération de forces.

L'orientation géographique des trois groupes conceptuels des nations-cadres se traduit par une large concentration régionale. Cela peut contribuer à la mise en œuvre de l'approche à 360 degrés de l'OTAN, mais comporte également un risque de fragmentation de l'Alliance. Les critiques mettent en garde contre un « multilatéralisme fragmenté », susceptible de conduire à une Europe moins cohésive et à plusieurs niveaux.

Un problème fondamental réside dans le décalage entre les aspirations et la réalité du partage des charges. Alors que le Concept de nation-cadre vise à contribuer au partage transatlantique des charges, les analyses montrent que le ratio entre les dépenses de défense européennes et américaines pourrait ne pas s'améliorer significativement. Les premières estimations pour 2024 indiquent que les alliés européens de l'OTAN dépenseront environ 490 milliards de dollars et les États-Unis 935 milliards de dollars.

Que signifie le concept de nation-cadre pour l’avenir de l’OTAN ?

Le Concept de nation-cadre représente un élément important pour l'avenir de l'OTAN, même s'il n'offre pas de solution complète à tous les défis de l'Alliance. Cette initiative contribue à combler les lacunes structurelles des forces armées européennes tout en préservant la souveraineté nationale.

Pour l'Allemagne, le concept de nation-cadre implique d'assumer une responsabilité qui va bien au-delà de son rôle actuel. La Bundeswehr pourrait devenir à long terme un pilier de la sécurité européenne, et l'Allemagne, en tant que nation-cadre, peut apporter une contribution fondamentale à la capacité d'action de l'OTAN. Toutefois, cela exige une volonté d'assumer un rôle de leadership politique et militaire au sein de l'Alliance.

L'importance stratégique du concept transparaît dans son expansion continue. Avec 21 nations participantes et 16 pôles de capacités, le Framework Nation Concept démontre son attrait pour les partenaires européens. Son ouverture à des États non membres de l'OTAN comme l'Autriche, la Finlande et la Suisse souligne encore davantage la dimension européenne du concept.

Le Concept de nation-cadre propose un modèle de coopération systématique en matière de défense en Europe. Il vise à relier les grands et les petits États, les rendant plus que la somme de leurs parties. Les nations européennes forment des groupes afin de coordonner la fourniture de quels équipements et troupes sur le long terme.

Un facteur crucial pour l'avenir sera de savoir si le Concept de nation-cadre pourra atteindre ses objectifs ambitieux. Le défi consiste à surmonter les obstacles bien connus à la coopération en matière de défense tout en réduisant le scepticisme des partenaires potentiels. Cela nécessitera probablement de nouvelles augmentations des dépenses de défense à long terme.

Le Concept de nation-cadre démontre que les États souverains resteront les acteurs centraux de la coopération européenne en matière de défense au sein de l'OTAN. Ce pragmatisme stratégique ouvre des marges de manœuvre, mais fixe également des limites. Le succès du concept dépend en définitive du maintien à long terme de la détermination nationale des États participants et de la résolution effective des déficits capacitaires identifiés.

Cette initiative représente une contribution importante à l'adaptation de l'OTAN à l'évolution des défis de sécurité. Elle souligne également que l'avenir de la défense européenne ne réside pas dans la création de structures supranationales, mais dans la mise en réseau intelligente des capacités nationales tout en préservant la souveraineté nationale.

Markus Becker

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